Alger, 25/11/06 - Une rencontre sur la Tariqa Tijania qui se tient depuis jeudi à Laghouat (sud algérien) a été boudée par de nombreuses délégations notamment celles du Nigeria et de Libye, rapporte la presse algérienne, ces délégations y voyant une tentative de récupération politique d'un mouvement d'obédience fondamentalement spirituelle.
Ces appréhensions ont été même exprimées par certains délégués présents, tel Aiane Techam, président du Centre islamique du Sénégal et chef de file de la tariqa tijania dans son pays, qui a tenu à circonscrire la participation sénégalaise au seul volet spirituel, en affirmant qu'elle ne saurait être comprise comme une caution politique.
L'organisation par les autorités algériennes de cette rencontre viserait principalement, selon les observateurs, à récupérer cette école soufie pour contrer la prédominance de courants rigoristes d'obédience salafiste qui ont proliféré en Algérie durant les dernières décennies, en revendiquant la paternité d'un courant spirituel dont les adeptes ne reconnaissent pour seul sanctuaire que la ville spirituelle de Fès où est inhumé son fondateur.
Le ministre algérien des waqfs et des affaires religieuses, M. Abou Abdallah Gholamallah, qui n'a pas été en mesure de donner un chiffre sur le nombre d'adeptes de la tariqa tijania en Algérie, a expliqué la volonté de l'Algérie de réhabiliter les zaouiyas et tariqas afin de défendre l'identité algérienne.
Ces orientations imprimées désormais au champ religieux algérien visent à favoriser une démarcation avec les courants dits salafistes, mis sur la sellette pour leur "rigorisme" et dans la montée en puissance d'idéologies légitimant le recours à la lutte armée et la violence contre le pouvoir.
Le soudain intérêt de l'Etat algérien pour les tariqa et les zaouiyas, 22 ans après un colloque sur ce thème organisé en 1984, s'expliquerait ainsi par l'impératif de tarir le vivier des autres idéologies provenant du Moyen Orient, soupçonnées de nourrir l'extrémisme et la violence, relèvent des observateurs à Alger.
Le journal +Liberté+ écrit samedi que "la volonté politique chez le pouvoir de réhabiliter les zaouiyas mérite d'être encouragée", car selon lui c'est "leur marginalisation au lendemain de l'indépendance qui a provoqué une véritable cassure dont les conséquences ont été la prise du pouvoir religieux par les intégristes en imposant à l'Algérie un Islam importé d'Orient".
Le ministre algérien des affaires religieuses s'est gardé d'établir un lien entre l'absence de certaines délégations et le caractère politique dont est taxée la rencontre, affirmant avoir envoyé des invitations aux différents pays comptant des communautés de tijanes, et attribuant leur absence à des contraintes de calendrier.
Le journal +Al Fajr+ écrit notamment que la présence en force à la rencontre de Laghouat de hauts responsables et cadres du FLN (au pouvoir) dénote une volonté de polarisation et de récupération des adeptes de cette tariqa. Il titre à ce propos "la zaouiya tijania est en voie de passer sous la coupe du FLN".
La presse s'est faite également l'écho de couacs ayant émaillé l'organisation de ce rendez-vous au point que le ministre algérien des affaires religieuses a présenté des excuses aux partisans pour "les défaillances" constatées à cause de l'organisation tatillonne et de la "cacophonie" résultant de l'interférence entre différentes parties chargées de l'organisation.
Selon plusieurs quotidiens, la confusion qui a régné le jour d'ouverture de cette rencontre a poussé les représentants de la presse algérienne à boycotter les travaux et de se retirer, pour ne revenir qu'après moult tractations.
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