Thursday, November 10, 2011

Aucune pression n’est exercée sur l’Algérie


Fondatrice du Centre International du développement et de la formation et la résolution des conflits, Rowaida Mroue est une militante libanaise qui n’a pas froid aux yeux. Les conflits mondiaux, c’est sa vie et son combat. Dans cet entretien, elle nous livre son analyse sur le conflit au Sahara, un problème vieux de 36 ans.
Rowaida Mroue, fondatrice de l’ICTR.
Rowaida Mroue, fondatrice de l’ICTR.
Très actifs dans les pays arabes ainsi que dans les régions à conflit interne, l’ICTR veille à développer les capacités des jeunes et des journalistes afin de faire pression, envoyer des pétitions, mettre sous les projecteurs toutes les régions vulnérables. Rowaida Mroue s’intéresse très particulièrement au conflit du Sahara. Pour elle, l’Algérie s’entête comme un enfant qui a peur de perdre ce qu’il n’a pas. Le Maroc est pour elle, par contre, le maître de la situation et le pays qui mérite son Sahara. ITCR ( juin 2010) est le Centre international du développement et de la formation et la résolution des conflits, c’est une ONG dont le siège est au liban à Beyrouth.
Le conflit entre le Maroc et le Polisario est encore au stade des pourparlers informels. Avec la nouvelle donne politique dans la région, pensez-vous que l’Algérie pourrait revoir sa position vis-à-vis du Polisario ?
Dernièrement, le Maroc a insinué dans la majorité de ces pourparlers avec le Polisario qu’il ne veut plus continuer ce type de discussions informelles. Les deux parties ne se réunissent sur aucune vraie base de dialogue, avec la présence d’une Mauritanie qui dégage une neutralité positive. Aucune évolution n’est constatée. L’Algérie n’a rien à perdre. Pour le Maroc la question de l’autonomie est indiscutable. Même chose pour le Polisario concernant le plan d’autodétermination. Les Etats-Unis ont exprimé leur penchant vers la solution marocaine car elle est la plus réalisable mais pour le Polisario, l’arme la plus fatale reste le hors-sujet. L’Algérie ne changera jamais sa position tant qu’il n’y a pas de pression de l’international. Soyons réaliste, plusieurs points sont clairs. Premièrement, tous va se jouer sur les messages que va adresser le CNT au Maroc. Deuxièmement, il faut médiatiser les déclarations des membres du CNT qui parle avec assurance de la marocanité inéluctable du Sahara. Troisièmement, et ce point est encore louche, je me demande comment va être la relation de la Libye avec l’Algérie. Quatrième point, qui parait anodin mais qui est important, c’est le résultat des élections de la Tunisie et sa nouvelle politique vis-à-vis du Maghreb arabe. La Mauritanie, pour son compte, a une neutralité positive, mais suit beaucoup ses propres intérêts.
«Personne dans le monde arabe ne peut soutenir un front séparatiste et laisser tomber un grand pays comme le Maroc»
Depuis toujours, la Libye a soutenu le Polisario. Avec l’installation du CNT, comment voyez vous la relation future entre la Libye et le Polisario, sachant que le CNT a capturé des milices du Polisario pro-Kadhafi ?
Je ne pense pas que le CNT et ceux qui vont le suivre, soient prêts à lier leur destin à celui des fronts séparatistes, car la communauté civile va remarquer que le CNT n’a pas aboli le système déchu du dictateur Kadhafi. Le CNT va faire l’impossible pour enjoliver sa réputation et donc il aura des avis pacifiques.
En nous basant sur le printemps arabe et toutes les idéologies qu’il a véhiculées, ne pensez-vous pas que les nouveaux régimes arabes auront un problème avec la marocanité du Sahara et seront plus pour des mouvements séparatistes ?
Personne dans le monde Arabe ne peut soutenir un front séparatiste et laisser tomber un grand pays comme le Maroc connu pour sa diplomatie étrangère intelligente et son équilibre dans les positions politiques du monde Arabe. L’objectivité du Maroc lui fait gagner la sympathie de l’Europe, des Etats-Unis et des autres puissances mondiales.
L’Algérie, pays hôte des camps de Tindouf, ne devrait pas un jour ou l’autre se débarrasser des milices qui perturbent la sécurité dans la région ?
C’est parce qu’il manipule la force du Polisario et le destin du Sahara en ce qui concerne les camps de Tindouf que l’Algérie n’a pas peur de son destin intérieur. Un système qui est basé sur les services de renseignement militaire sait très bien que s’il finance n’importe quelle région, cette dernière peut lui obéir s’il lui demande de semer le chaos, n’ importe où dans le monde. L’Algérie est protégée par ces fronts séparatistes et ne se sent aucunement gênée par le trafic d’armes et de drogues qui se passe sous ses yeux et l’enlèvement des militants européens. Aucune pression n’est exercée sur l’Algérie, c’est révoltant.
L’Algérie refuse catégoriquement la participation du Maroc aux opérations anti-terroristes dans la région. Pourquoi à votre avis ?
Je pense que ce refus est logique, car l’Algérie ne veut pas que le Maroc démontre sa capacité militaire à gérer de tels troubles. L’Algérie veut se montrer comme étant le pays qui est fort et qui gère le tout dans la région. Si le Maroc rentre dans cette histoire, il n’en sortirait que gagnant et c’est pourquoi l’Algérie essaye d’éviter cette gloire.
« Pour les prérogatives de la Minurso, j’ai la conviction que le fait de compter sur les Nations unies pour trouver des solutions est une perte de temps »
Que pensez-vous des prérogatives de la Minurso, notamment de les étendre vers le volet des droits de l’homme ?
Aujourd’hui, il y a trois points que le Maroc essaye d’étudier en ce qui concerne le conflit du Sahara. Le premier point est celui de l’atteinte aux droits de l’homme dans les camps de Tindouf et la polémique sur les recensements. Le deuxième point est ce que véhicule à l’étranger le Polisario à propos de l’exploitation marocaine des ressources naturelles sahariennes et l’inégalité de la distribution de ces dernières, chose qui est fausse. Car le Maroc donne à la région du Sahara d’autres ressources plus importantes et qui n’existent pas dans la région. Le troisième point reste le plan d’autonomie qui est réalisable et soutenable.
Ceci dit, le Polisario ne changerait jamais sa position qui est le référendum. Cette équation n’a pas de solution à part celle de l’application des droits l’homme. Quelqu’un qui vit au Maroc, qui à un passeport marocain, et qui est en sécurité au Maroc n’a pas la droit de revendiquer un référendum. Maintenant, pour les prérogatives de la Minurso, j’ai la conviction que le fait de compter sur les Nations unies pour trouver des solutions est une perte de temps. En tant que citoyenne de la société civile, le monde arabe tout comme les médias et les bloggueurs doivent se mobiliser pour trouver une solution finale à ce conflit. Des communiqués, des pourparlers et des manifestations pour rien, Basta !◆