C’est « l’affaire » des superlatifs sur tous les plans. Elle a fait l’effet d’un véritable coup d’Etat dans la capitale algérienne. Lorsque le 14 janvier, le quotidien El Watan publie le scoop, tout le monde s’attendait à ce que la radio d’Etat présente, dans la journée, un démenti cinglant avec, à la clef, la promesse d’un procès pour diffamation. Mais il n’en a rien été. Ce qui était invraisemblable est donc vrai : la Sonatrach, la compagnie publique d’exploitation du gaz – un mastodonte –, est décapitée ; ses principaux dirigeants, dont le PDG, sont soit en prison, soit sous contrôle judiciaire depuis la veille.
Pourquoi ? La question est sur toutes les lèvres. Corruption ? Tout le monde sait que dans les mœurs du « Système » algérien, ce n’est pas là un motif sérieux pour envoyer des dignitaires du régime en prison. Un seul exemple, le plus récent, suffit : Amar Saïdani, ex-président de l’Assemblée nationale, et proche du président Bouteflika, a détourné près d’un milliard d’euros. Il a été écarté de son poste. Point. La sanction que le régime a l’habitude d’appliquer à ses dignitaires indélicats oscille entre l’impunité complète et la mise à l’écart. La Justice, c’est pour les opposants, les militants des droits de l’homme et le petit peuple. Le recours à la justice contre un dignitaire a toujours été considéré comme un facteur de déstabilisation pour le régime. Un traumatisme qu’il refuse de s’infliger.
Opération « coup de poing »
A une exception près : les périodes d’interrègne ; là, c’est souvent l’overdose. Et le cas Sonatrach est symptomatique de cette situation et de ces excès. D’abord, Sonatrach est l’entreprise le plus importante du pays. Elle assure 98 % de ses ressources en devises. A une action « soft », visant à remplacer graduellement les responsables incriminés, il a été préféré une opération « coup de poing ». Elle annonce une poussée des tensions autour de la succession au président, 73 ans, opéré en 2005 d’une tumeur dans l’appareil digestif.
Le clan du président prépare depuis 2006 le frère cadet de Bouteflika, Saïd, au poste suprême : nommé conseiller spécial du chef de l’Etat, il est devenu le véritable vice-président de l’ombre sans l’accord duquel rien ne se décide.
Le lancement de son parti, annoncé officieusement à plusieurs reprises, a toujours été reporté faute de consensus. L’armée n’a pas donné son accord à une succession qui lui ôte le pouvoir suprême qu’elle a toujours exercé sans partage depuis l’indépendance du pays en 1962 : celui de choisir elle-même le président. Après avoir laissé dire, elle est visiblement passée à l’offensive en s’attaquant de front au clan du président sans craindre de déstabiliser l’entreprise nº1 du pays – qui fournissait jusqu’en 2005 un quart des besoins de la Belgique en gaz naturel.
Une publicité inhabituelle
L’enquête qui a décapité le clan présidentiel dirigeant la Sonatrach a été menée par le Département Renseignement et Sécurité (DRS), les services secrets de l’armée dirigés par le tout puissant généralissime Mohamed Médiene, dit « Toufik ». Le DRS a dirigé l’enquête, mais ce qui est nouveau est qu’il le fait savoir. Les comptes rendus de presse ne camouflent plus le DRS pudiquement sous le vocable générique de « services de sécurité » comme ils ont l’habitude de le faire, mais le citent nommément comme auteur de ce coup d’éclat. Un coup d’autant plus estampillé DRS qu’il n’est précédé d’aucune plainte du ministre de tutelle, Chakib Khelil, un proche du président, en poste depuis 1999.
La Sonatrach avec sa formidable manne financière est désormais soustraite à l’influence du clan présidentiel. Le seul vice-président non concerné par le scandale, proche du DRS selon certaines sources, a été nommé PDG intérimaire malgré les réticences de Khelil auquel on a dû forcer la main. Quelle sera la réaction du clan présidentiel à ce coup de semonce ? Dans les arcanes du pouvoir, l’après-Bouteflika a bel et bien commencé. LE SOIR 21-01-2010
Pourquoi ? La question est sur toutes les lèvres. Corruption ? Tout le monde sait que dans les mœurs du « Système » algérien, ce n’est pas là un motif sérieux pour envoyer des dignitaires du régime en prison. Un seul exemple, le plus récent, suffit : Amar Saïdani, ex-président de l’Assemblée nationale, et proche du président Bouteflika, a détourné près d’un milliard d’euros. Il a été écarté de son poste. Point. La sanction que le régime a l’habitude d’appliquer à ses dignitaires indélicats oscille entre l’impunité complète et la mise à l’écart. La Justice, c’est pour les opposants, les militants des droits de l’homme et le petit peuple. Le recours à la justice contre un dignitaire a toujours été considéré comme un facteur de déstabilisation pour le régime. Un traumatisme qu’il refuse de s’infliger.
Opération « coup de poing »
A une exception près : les périodes d’interrègne ; là, c’est souvent l’overdose. Et le cas Sonatrach est symptomatique de cette situation et de ces excès. D’abord, Sonatrach est l’entreprise le plus importante du pays. Elle assure 98 % de ses ressources en devises. A une action « soft », visant à remplacer graduellement les responsables incriminés, il a été préféré une opération « coup de poing ». Elle annonce une poussée des tensions autour de la succession au président, 73 ans, opéré en 2005 d’une tumeur dans l’appareil digestif.
Le clan du président prépare depuis 2006 le frère cadet de Bouteflika, Saïd, au poste suprême : nommé conseiller spécial du chef de l’Etat, il est devenu le véritable vice-président de l’ombre sans l’accord duquel rien ne se décide.
Le lancement de son parti, annoncé officieusement à plusieurs reprises, a toujours été reporté faute de consensus. L’armée n’a pas donné son accord à une succession qui lui ôte le pouvoir suprême qu’elle a toujours exercé sans partage depuis l’indépendance du pays en 1962 : celui de choisir elle-même le président. Après avoir laissé dire, elle est visiblement passée à l’offensive en s’attaquant de front au clan du président sans craindre de déstabiliser l’entreprise nº1 du pays – qui fournissait jusqu’en 2005 un quart des besoins de la Belgique en gaz naturel.
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L’enquête qui a décapité le clan présidentiel dirigeant la Sonatrach a été menée par le Département Renseignement et Sécurité (DRS), les services secrets de l’armée dirigés par le tout puissant généralissime Mohamed Médiene, dit « Toufik ». Le DRS a dirigé l’enquête, mais ce qui est nouveau est qu’il le fait savoir. Les comptes rendus de presse ne camouflent plus le DRS pudiquement sous le vocable générique de « services de sécurité » comme ils ont l’habitude de le faire, mais le citent nommément comme auteur de ce coup d’éclat. Un coup d’autant plus estampillé DRS qu’il n’est précédé d’aucune plainte du ministre de tutelle, Chakib Khelil, un proche du président, en poste depuis 1999.
La Sonatrach avec sa formidable manne financière est désormais soustraite à l’influence du clan présidentiel. Le seul vice-président non concerné par le scandale, proche du DRS selon certaines sources, a été nommé PDG intérimaire malgré les réticences de Khelil auquel on a dû forcer la main. Quelle sera la réaction du clan présidentiel à ce coup de semonce ? Dans les arcanes du pouvoir, l’après-Bouteflika a bel et bien commencé. LE SOIR 21-01-2010
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