A l'arrivée des Européens sur les rivages du royaume du Kongo, à la fin du XVe siècle, le Cabinda était partagé entre trois principautés, dont l'influence s'étendait au-delà des frontières actuelles de ce territoire.
Ces principautés (Loango, Kakongo et N'Goyo), dominées par des clans du groupe kongo de la famille ethno-linguistique bantoue, étaient tributaires du roi du Kongo.
La plus puissante de ces trois principautés était celle de Loango, éponyme de sa capitale, un port sur le site de la ville de Pointe-Noire.
Elle était gouvernée par les Vili.
La capitale des deux autres principautés était aussi un port : Malemba pour Kakongo et Cabinda pour N'Goyo. Comme dans les autres territoires kongo, la christianisation a été précoce et profonde après la conversion du roi Nzinga a Nkuwu en 1491. En 1665, les Portugais, alliés à un noble du sud du royaume kongo, ont écrasé les troupes royales à Mbwila et tué le roi Ndo Ntoni Antonio 1er. Le pays a ensuite été divisé en plusieurs royaumes soumis au Portugal.
Dès le XVIIe siècle, des rivalités étaient apparues entre les puissances européennes qui souhaitaient contrôler les ports du royaume du Kongo pour le trafic des esclaves. En 1702, les flottes française et anglaise se sont affrontées au large du Cabinda.
En 1722, la construction d'une forteresse anglaise sur ce territoire a suscité une intervention militaire du Portugal. Craignant de perdre le Cabinda, le Portugal a fait signer des traités aux chefs tribaux de 1883 à 1885, avant la conférence de Berlin, réunion des puissances européennes pour le partage des colonies et des zones d'influence en Afrique. Le plus important de ces traités a été signé le 1er février 1885 à Simulambuco par le roi du Cabinda, Ibiala Mamboma, plaçant le Cabinda sous le protectorat du royaume du Portugal. La validité de ce traité a été reconnue par la conférence de Berlin, car les Britanniques et les Allemands avaient vu l'intérêt de diviser la région de l'embouchure du fleuve Congo entre leurs rivaux, Français, Belges et Portugais. La réalité d'un royaume souverain couvrant la totalité de ce territoire apparaissait plus que douteuse et peu vérifiable dans l'épaisse forêt tropicale. Aujourd'hui, cet acte constitue le texte de référence des indépendantistes, dans la mesure où il établit juridiquement l'existence d'une entité politique cabindaise. Selon eux, la cessation du protectorat aurait dû s'accompagner d'un retour à l'indépendance de ce royaume cabindais reconnu par le droit international.
Les enjeux stratégiques de l'enclave cabindaise
En 1954, le gouvernement portugais a délivré des concessions de recherche pétrolière à la société nord-américaine Gulf Oil Company. Dès 1956, cette dernière a commencé ses premières extractions de pétrole brut au Cabinda, et en 1957, a obtenu l'exclusivité de l'exploitation des hydrocarbures dans ce territoire. Cette même année, le Portugal a placé le Cabinda et l'Angola sous l'autorité d'un administrateur unique.
La résolution 1 542 (XV) de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée le 15 décembre 1960 relative à la décolonisation a retenu «l'Angola, y compris l'enclave du Cabinda». Mais, en 1964, après une réunion au Caire, l'Organisation de l'unité africaine (OUA) a publié une liste de pays à décoloniser mentionnant distinctement l'Angola (cas n° 35) et le Cabinda (cas n° 39). Cependant, la découverte de grands gisements pétrolifères off-shore en 1966 n'incitait pas le Portugal à abandonner ce territoire. Le 25 avril 1974, le régime fasciste portugais a été renversé par un soulèvement militaire. Le 19 septembre suivant, le Mouvement pour la libération de l'Angola (MPLA), une organisation politico-militaire nationaliste soutenue par l'URSS, a annoncé l'annexion du Cabinda par l'Angola. Le 2 novembre 1974, avec l'aval du nouveau gouvernement portugais, les troupes du MPLA ont envahi le Cabinda et écrasé toute résistance indépendantiste. Le 15 janvier 1975, l'article 3 de l'acte final de la conférence d'Alvor, signé par les trois mouvements politico-militaires indépendantistes angolais et le Portugal, a proclamé le rattachement du Cabinda à l'Angola.
Jusqu'en octobre 1974, le centre de commandement des installations pétrolières de la Gulf Oil, situé sur la presqu'île de Malongo, à une quinzaine de kilomètres de la capitale du Cabinda, était sous la protection d'une milice d'environ 200 hommes, remplacés ensuite par des militaires du MPLA et des soldats cubains, qui arrivaient par milliers au Cabinda. En effet, le colonel portugais Otelo Saraiva de Carvalho s'était rendu à Cuba le 21 juillet 1975, pour solliciter une aide militaire en faveur du MPLA, entré en conflit avec les deux autres mouvements indépendantistes angolais, l'UNITA et le Front national de libération de l'Angola (FNLA). Ces deux organisations étaient soutenues par des troupes sud-africaines, qui avaient pénétré en Angola. Le FNLA, implanté au nord de l'Angola, a été rapidement dispersé. L'Angola a été coupé en deux zones stratégiques antagonistes : à l'est, l'UNITA et les mines de diamants ; à l'ouest, le MPLA et le pétrole cabindais. Le contrôle du Cabinda était vital pour permettre au MPLA d'acheter des armes avec la rente pétrolifères, car les gisements pétroliers d'Angola ne sont entrés en exploitation qu'à partir de 1980. En dépit de cette confrontation, la société américaine Gulf Oil a continué l'exploitation pétrolière : par un contrat de 1978, cette société a obtenu 49% des revenus, tandis qu'une société nationale, la Sonangol, en prélevait 51%. En 1986, Gulf Oil a été remplacée par Chevron-Texaco. Entre 1974 et 1994, date des négociations secrètes entre le Congo et l'Angola sur le partage des gisements frontaliers off-shore, des mouvements armés indépendantistes cabindais, épaulés par des mercenaires, auraient bénéficié de l'appui des concurrents pétroliers de Gulf Oil, en particulier l'entreprise française Elf-Aquitaine, qui exploitait la majeure partie des gisements au large de Pointe-Noire. C'est à cette époque que sont nés une kyrielle de mouvements indépendantistes cabindais, qui s'entretuaient pour des intérêts étrangers.
Dans les années 1990, des accords et transactions économiques entre les concurrents occidentaux ont renforcé la légitimité de l'annexion angolaise. Le pétrole cabindais représentait la moitié de la production pétrolière angolaise, qui fournissait 60% du PNB du pays (27 millions de tonnes de pétrole vendues en 1992). Or, la population cabindaise (500 000 habitants) n'atteignait que 4,3% de la population angolaise totale. La découverte de gaz en 1987 a permis à la société italienne Agip de participer à la production cabindaise (pour 29,8% des parts du consortium d'exploitation) avec Chevron-Texaco (39%) et la Sonangol CRR-Centre d'information géopolitique 5 24/08/04 (31%). En 1991, Elf-Aquitaine a racheté à la Sonangol 20% des actions du consortium pétrolier Cabinda Gulf Consortium (CAGBOC), dont les autres actions appartiennent à Chevron-Texaco (39,2%) et à Agip (9,8%). A la fin des années 1990, Elf-Aquitaine 2 et Chevron se sont associés pour l'exploitation d'un nouveau gisement pétrolifères off-shore au Congo. Puis, en 2002, Chevron a signé un accord avec les gouvernements angolais et congolais pour l'extraction du pétrole dans la zone maritime frontalière.
Politique
Politiquement, l'effondrement de l'URSS et l'instauration du multipartisme en Angola en 1992 ne justifiaient plus le soutien des services secrets occidentaux tant à l'UNITA qu'à des groupes politico-militaires indépendantistes cabindais dépourvus de crédibilité. Enfin, en 1997, les troupes angolaises ont apporté une aide décisive aux prises du pouvoir par le Parti congolais du travail (PCT) au Congo, et par l'Alliance des forces pour la libération du Congo (AFDL) à l'ex-Zaïre. Les autorités angolaises entendaient ainsi affaiblir les bases extérieures et les réseaux commerciaux de l'UNITA et des indépendantistes cabindais, en permettant l'avènement de régimes alliés aux frontières de son Eldorado, le Cabinda. La cause indépendantiste victime de la «guerre froide» a cédé la place à l'apparition des mouvements indépendantistes au Cabinda En 1961, une organisation politico-militaire, dirigée par Alexandre Taty, le Mouvement de lutte pour l'indépendance du Cabinda (MLIC), est entrée en conflit avec l'armée portugaise sur le territoire du Cabinda. En 1963, les trois mouvements politiques indépendantistes ont fusionné pour fonder le Front de libération de l'enclave du Cabinda (FLEC), basé à Pointe-Noire et dirigé par Luis de Gonzaga Ranque Franque, d'ethnie woyo, le président du MLEC. En 1967, un gouvernement cabindais en exil a été formé par le FLEC. Après la chute du régime fasciste au Portugal, le Cabinda est devenu le théâtre d'une compétition entre toutes les organisations nationalistes cabindaises et angolaises, poussées par les services secrets des grandes puissances. Le 30 juin 1974, des membres du FLEC, rentrés d'exil de l'ex-Zaïre, ont ouvert une représentation à Cabinda. Puis, des guérilleros du FLEC, encadrés par des mercenaires français et des anciens militaires de l'armée coloniale portugaise, ont occupé la ville de Cabinda. En novembre 1974, les troupes du MPLA ont occupé le Cabinda, et en ont chassé le FLEC et les mercenaires français, dirigés par Jean Kay. Le 1er août 1975, Luis de Gonzaga Ranque Franque, président historique du FLEC, a proclamé l'indépendance du Cabinda lors du sommet de l'OUA à Kampala, alors que son rival, Henriques Tiago N'Zita, annonçait à Paris la constitution d'un gouvernement cabindais en exil. Le 2 novembre 1975, trois colonnes de guérilleros du FLEC, encadrées par John Stockwell de la CIA et assistées par Bob Denard et ses mercenaires, ont pénétré au Cabinda par le Zaïre.
Devant cette offensive, le MPLA s'est replié sur la capitale et les installations pétrolières. L'assaut de la capitale par le FLEC ayant échoué et à la suite de lourdes pertes humaines, les indépendantistes se sont repliés à l'intérieur du pays. Cette offensive, appuyée ouvertement par la CIA et les mercenaires français, a entraîné l'interdiction des organisations de la cause indépendantiste cabindaise au Congo. Après sa défaite de novembre 1975, le FLEC s'est scindé en plusieurs fractions antagonistes, et la coupure entre les branches politique et militaire s'est accentuée. Au début des années 1990, les grandes puissances, qui tissaient des liens avec le régime angolais en voie de démocratisation et en vue du partage des champs pétrolifères, ont commencé à abandonner les guérilleros cabindais à leur sort. En janvier 1997, l'armée angolaise a repris l'offensive et bombardé massivement les villages des zones de conflit. Après leur déroute diplomatique, les indépendantistes cabindais ont subi les conséquences d'une situation géopolitique régionale extrêmement défavorable. Enfin, à partir d'avril 2002, date de la capitulation militaire de l'UNITA, le gouvernement angolais a redéployé ses troupes au Cabinda.
La reconnaissance de l'Etat unitaire le 3 août 2006
Confrontés à une débâcle militaire, les indépendantistes cabindais ont renoué avec les enlèvements d'expatriés pour obtenir des fonds, la reconnaissance d'un Cabinda indépendant par la France et le Portugal, et un écho international. Cependant, au plan diplomatique, le Comité de négociation pour la recherche de la paix au Cabinda (CNRPC), qui prétend représenter toutes les fractions du FLEC, dénonce les rapts et les demandes de rançon. Une contradiction qui a discrédité davantage les organisations indépendantistes.
Les autorités angolaises ont entériné, mardi dernier, un accord de paix historique avec le Cabinda.
Le mémorandum, entre l'Etat et le Forum cabindais pour le dialogue, met ainsi fin à plus de 30 ans d'affrontements armés et accorde un statut particulier à la riche enclave pétrolière. L'aile dure du mouvement armé séparatiste dénonce, pour sa part, une situation qui reviendrait à nier la reconnaissance d'une souveraineté revendiquée.
Le Mémorandum d'entente pour la paix et la réconciliation dans l'enclave de Cabinda entérine le document signé, le 15 juillet dernier, à Brazzaville au Congo entre les deux parties. Le Front de libération de l'enclave du Cabinda-Forces armées combattantes (Flec-Fac) ne l'entend, toutefois, pas de cette oreille et appelle à de nouvelles négociations sur la base de la reconnaissance d'un Etat cabindais.
Loin du spectre de la guerre, l'enclave côtière bénéficie, désormais, d'un statut particulier matérialisé par l'installation d'un futur gouvernement de province.
Il pourra prendre part, aux côtés de Luanda, aux décisions politiques et économiques liées à la région. Aussi bien en matière d'investissement que d'éducation, de santé, de tourisme ou d'environnement.
Un accord «nul et non avenu»
Si la paix a soulagé de nombreux Cabindais, l'accord n'a, pourtant, pas fait l'unanimité. Le Flec-Fac le considère comme «nul et non avenu». «Nous sommes prêts à oublier tous ces forfaits pour discuter avec l'Angola à condition que le gouvernement angolais considère le Cabinda comme un Etat souverain», a expliqué le président du Flec-Fac, Henriques N'Zita, rapporte Panapress. Il appelle à de nouvelles négociations sous l'égide des Nations unies et de l'Union africaine car les discussions n'auraient pas «respecté les normes de loyauté et de transparence». Le chef indépendantiste a vraisemblablement décidé de joindre les actes à la parole à l'occasion de cette Coupe d'Afrique des nations.
L'équipe togolaise a été victime d'un conflit auquel elle est totalement étrangère. L'incapacité des indépendantistes à unifier leurs stratégies militaires et diplomatiques, le silence international sur tout ce qui se déroule dans cette enclave si riche, déstabilise davantage les indépendantistes. Le FLEC est-il réellement en mesure de menacer une paix déjà fragile ? L'avenir apportera certainement des réponses à cette question.
Ghada Hamrouche allafrica.com