Après 30 années de souffrance et de supplices, plusieurs centaines de milliers de Marocains expulsés d’Algérie en 1975 rompent le silence et décident de poursuivre en justice l’Etat algérien, en la personne de son président Abdelaziz Bouteflika. Pour faire aboutir leur démarche, ils se sont constitués en association, créée en bonne et due forme en juillet 2005, pour défendre leurs droits et recouvrer leurs biens spoliés par la junte militaire qui avait décidé, en 1975 lors de la marche verte, de punir le Maroc pour la réintégration du Sahara dans son espace national.
Plus de 350 000 Marocains, soit pas moins de 45 000 familles, traînent le président algérien Abdelaziz Bouteflika en justice, et plus exactement devant le Tribunal pénal international (TPI). Et pour procéder légalement, ils se sont constitués en association pour défendre leurs droits légitimes et recouvrer leurs biens spoliés et confisqués illégalement par la junte militaire algérienne. L’information nous a été livrée par Mohamed El Herouachi, le président de l’Association pour la Défense des Marocains Expulsés d’Algérie (ADMEA), créée au mois de juillet 2005. Les faits sont qualifiables, etégalement, inqualifiables. La marche noire des Algériens Ils remontent au 18 décembre 1975. Quand l’Algérie décida d’expulser abusivement des centaines de milliers de citoyens et citoyennes Marocains établis en toute légalité sur le territoire algérien. C’est feu le président Houari Boumédiène qui avait lui-même lancé la meute et sonné l’hallali contre une population désarmée dont le seul tort était d’avoir choisi de s’installer chez le voisin de l’Est. Un fait en soi grave et assez audacieux. La décision saugrenue et grotesque est intervenue en réaction à la marche verte décrétée par feu Hassan II deux mois auparavant, au courant du mois de novembre de la même année. À l’époque, Houari Boumédiène criait à qui voulait l’entendre que le Maroc allait payer très cher ce qu’il appelait, lui, «l’invasion du Sahara par la population marocaine». Il donna même une appellation à ce que les militaires algériens appelleront désormais «la marche noire» en mettant à exécution leurs desseins d’expulsion massive 350. 000 Marocains d’Algérie. Les consignes de Houari Boumédiène, mûrement réfléchiess avec Abdelaziz Bouteflika (alors ministre des affaires étrangères), faisaient état d’une expulsion, sans préavis et dans des conditions abominables, de l’ensemble de cette communauté. Une longue marche «déshonorante» qui conduira ces milliers d’émigrés Marocains d’Alger, d’Oran, Tlemcen, Annaba, Constantine…, où ils ont été contraints d’abandonner leurs biens (meubles et immeubles, commerces, bijoux, comptes bancaires bloqués…), leurs familles et leurs enfants (pour les couples mixtes qui constituent la majorité), vers les frontières, du côté de la ville d’Oujda. Pourchassés et traqués dans tout le territoire, mal traités, arrêtés et emprisonnés dans des camps de concentration, les Marocains, bien de chez nous, subiront tous les supplices avant de rentrer au Maroc, le cœur plein de haine envers ce pays qui les a sacrifiés pour une cause qui n’est pas la leur. «Je me rappelle encore du jour de ce grand massacre. Un jour de fête Le mot d’ordre a été donné le jour de l’aid lakbir. Au lieu de le fêter en toute quiétude, nous faisions l’objet d’une chasse à l’homme sans précédent et d’un nettoyage ethnique ordonné en haut lieu et exécuté par les forces de l’ordre algériennes (services secrets, armée, police, gendarmerie) qui avaient pour mission de nous chasser du territoire. Ce jour-là, on m’a arrêté chez moi et m’ont sommé de les accompagner au poste de police après m’avoir assailli de coups. En route, l’un des policiers m’a lâché une phrase que je ne suis pas prêt d’oublier. Il m’a dit que je n’avais rien à faire ici et que l’Algérie m’expulse chez mon roi pour qu’il me donne à bouffer. Nous sommes restés plusieurs jours dans des geôles secrètes, privés de visite et de nourriture, jusqu’à notre expulsion intervenue le 18 décembre 1975 «, nous confie Jamal, dépouillé de tous ses biens, marié à une algérienne et père de deux enfants qui sont restés à Alger. Les témoignages de quelques Marocains expulsés, interrogés par LGM, semblent verser dans la même tragédie qui restera dans les annales. Arrestations, expropriations, confiscations, fouilles, insultes, reconductions à la frontière dans des conditions barbares qui ne sont pas si loin celle nazie, du fascisme qui a contraint des communautés comme les Tziganes de l’Europe de l’Est ou les Japonais après Pearl Harbor, quand les Américains les ont cantonnés dans des camps de concentration avant leur expulsion massive vers leur pays d’origine. Sans oublier qu’en 1995, les Balkans nous ont offert un triste spectacle d’exode massif de Kossovards, d’Albanais, de Bosniaques, et d’autres ethnies qui ont été chassés de leurs territoires sous la menace des généraux Serbes. Les mêmes catastrophes humaines qu’a vécues la région des Grands Lacs en Afrique avec le génocide rwandais ou d’autres crimes au Burundi. Sauf que dans ce cas de mauvaise école, l’Algérie, à travers son conseil de la révolution, composé entre autres du général Larbi Belkhair (l’actuel ambassadeur d’Alger à Rabat), Chadli Benjedid, (l’ex-président de la république), et Abdelaziz Bouteflika (alors ministre des affaires étrangères sous Boumédiène et actuel président de la république) voulait punir le Maroc. Le complot À sa manière, surtout après la réintégration du Sahara dans l’espace national, reniant tous les accords de paix conclus entre le Maroc et l’Algérie lors de deux sommets, l’un à Tlemcen en 1969 et l’autre à Ifrane en 1971. «L’USFP a de tout temps essayé de maintenir le dialogue. Je me souviens d’une tentative lancée en 1976 par l’intermédiaire de notre ami Lakhdar Ibrahimi qui était à l’époque ambassadeur d’Algérie à Londres. Une rencontre devait avoir lieu entre feu Houari Boumédiène et feu Abderrahim Bouabid. Ils étaient sur le point de se rencontrer, mais l’expulsion massive des Marocains dans ces conditions dramatiques avait annulé cette initiative. En son âme et conscience, Bouabid ne pouvait qu’annuler cette rencontre…», se souvient Mohamed El Yazghi interpellé à ce sujet. Houari Boumédiène passera ainsi à l’acte et mettra son armée en alerte maximale tout le long de la frontière avec le Maroc. Il demandera alors à son puissant patron des services de renseignements de naguère, Kasdi Merbah, de lui trouver une réponse adéquate à la célèbre marche verte. La toute puissante police politique du régime, responsable de la lutte contre la subversion et responsable de la sécurité de l’Etat ne va pas se fouler, il a fallu juste remettre à jour la technique d’expulsion expérimentée par les algériens à plusieurs reprises et notamment après la guerre des Sables. Mais cette fois-ci à plus grande échelle. Le service Action, connu pour ses actions spéciales, notamment les assassinats de personnalités, sera appelé par Boumédiène à gérer la logistique et le déroulement de l’opération d’expulsion. Pour répondre à la marche verte, les services algériens tenteront même d’arrondir les chiffres pour arriver au même chiffre mobilisé par Feu Hassan II lors de la marche verte, soit 350 000. Deux mois avant l’opération, les murs des rues des principales agglomérations algériennes ont été couverts d’affiches ordonnant et interdisant aux Algériens d’acheter les biens immobiliers des Marocains. De Boumédiène à Bouteflika Nous sommes dans l’Algérie de Boumédiène, celui par qui “l’affaire» du Sahara est arrivée. Celui-là même qui déclarait, en 1974, à un an du refoulement des Marocains d’Algérie, n’avoir aucune prétention sur le Sahara marocain et qu’il encouragerait tout arrangement à ce sujet entre le Maroc et la Mauritanie. C’était sans connaître le bonhomme, qui, comme Ben Bella en 1963, fera volte-face en 1975. Il hébergera, encadrera et armera les séparatistes du Polisario, après en avoir été le co-créateur. Au même moment, il crèvera le mur de la provocation en expulsant des civils innocents par représailles des projets inavoués de sa junte militaire qui voulait coûte que coûte creuser un couloir sur notre façade atlantique. Un des délires mégalomaniaques du colonel Houari Boumédiène, mort en 1979, qui en renvoyant d’un seul coup les 350 000 personnes au Maroc voulait invraisemblablement déstabiliser la monarchie marocaine. Contre cette haine manifeste, a répondu la sagesse d’un défunt Souverain. Par sa patience nourrie par une civilisation multiséculaire, sa haute idée du droit international, feu Hassan II, a toujours su faire entendre, au plus fort moment des crises épisodiques, la voix de la raison aux responsables algériens. Même après les attentats d’Atlas Asni de 1994 à Marrakech, aux connotations algériennes bien particulières, la réaction du Maroc, du temps du défunt Souverain, n’a été aucunement démesurée.» Feu Hassan II, n’a pas répondu à Houari Boumédiène. Au contraire, il a très bien géré ces moments de crises. Au lieu de faire de même, il a plutôt choisi d’encourager davantage les Algériens à venir au Maroc, leur deuxième pays, pour s’y installer…, même définitivement s’ils le voulaient. Le Maroc est une terre des hommes de paix. Aujourd’hui, l’histoire lui donne raison. Des Algériens qui ont répondu à son appel, plusieurs occupent des postes de responsabilités dans l’administration marocaine «, fait remarquer Mohamed El Herouachi. Mieux encore, Feu Hassan II avait su tirer profit de cette manne inespérée et abondante de main d’œuvre pour remettre sur pied les fermes abandonnées par les colons français. Comme la plupart des expulsés étaient de simples agriculteurs, le défunt Roi n’a trouvé aucun mal à leur trouver du travail en leur cédant, entre autres, des terrains agricoles, notamment ceux de la Sodéa et la Sogeta. Les autres Marocains qui faisaient du commerce entre le Maroc et l’Algérie ont plutôt bien réussi leur intégration dans le pays. Il y a même de grosses fortunes qui sont nées après leur retour en 1975. Restent ceux qui ont été spoliés de leurs biens et éloignés de leurs familles. Pour ceux-là justement, le pouvoir algérien doit absolument rendre des comptes.