Thursday, November 29, 2007

LA VISITE DE SARKOZY A ALGER COMPROMISE

ALGER (AFP) - A cinq jours de la visite de Nicolas Sarkozy en Algérie, le "noyau dur" des vétérans de la guerre d'indépendance (1954-1962) hostile à la France, donne de la voix pour forcer Paris à reconnaître les "crimes" du colonialisme en Algérie.
Plusieurs responsables algériens ont emboîté le pas jeudi du ministre algérien des Anciens combattants Mohammed-Chérif Abbas qui, dans une interview publiée lundi à Alger, a doublé l'exigence d'une repentance d'une attaque sur les origines juives du président français.
"Je considère à titre personnel que tant que la France ne reconnaîtra pas le crime commis en Algérie, nous ne pouvons pas envisager de réconciliation ni de normalistation totale avec elle", affirmait ce ministre, tandis que ses propos sur un prétendu "lobby juif" en France suscitaient un tollé.
La question de la repentance de la France des crimes qui auraient été commis par le colonialisme en Algérie depuis entre 1830 et 1962, empoisonne depuis 2005 les relations entre les deux pays.
Le refus de Paris de présenter des excuses officielles à Alger a fait capoter le projet d'un traité d'amitié qui devait être signé fin 2005.
M. Sarkozy avait enterré le projet, porté par son prédécesseur Jacques Chirac, en affirmant que "l'amitié n'avait pas besoin d'être gravée dans le marbre" et en rejetant toute idée de repentance.
Vivement pris à partie en France, où plusieurs leaders politiques ont réclamé des "excuses officielles", M. Abbas a reçu le soutien, jeudi, de la puissante Organisation nationale des Moudjahidine (ONM, anciens combattants).
M. Sarkozy n'est pas "le bienvenu" en Algérie a déclaré son secrétaire général Saïd Abadou, en exigeant de nouveau une "repentance". "Nous ne tournerons pas la page des crimes de la France avant que des excuses nous soient présentées", a-t-il dit.
Mohamed El-Korso, historien et président de la "Fondation du 8 mai 1945", qui milite pour que les massacres de Sétif, perpétrés par l'armée française, soient reconnus comme "crimes contre l'humanité" a de son côté qualifié de "baiser empoisonné" la prochaine visite de M. Sarkozy.
Il a dénoncé la "campagne" de presse en France, qui, selon lui, "a déclenché l'apocalypse contre l'Algérie, juste parce qu'un ministre algérien a donné un témoignage tiré de la biographie de Sarkozy" sur ses origines juives.
Les milieux officiels algériens ont observé un mutisme total sur les propos du ministre, tandis que Paris a exigé des clarifications à l'Algérie.
M. Abbas a nuancé ses propos par la suite en affirmant qu'il était "étonné" par les commentaires qui avaient suivi sa déclaration au quotidien Al Khabar lundi.
La presse algérienne a pour sa part tenté de calmer le jeu, en regrettant les propos du ministre, qui, selon eux, risquent de compromettre la visite de M. Sarkozy.
Le quotidien Le Jour souligne que le ministre s'est "ravisé". El Watan relève que M. Abbas "a mis dans un réel embarras le président Abdelaziz Bouteflika et frôlé l'incident diplomatique", en ajoutant toutefois que "rien n'empêche la présidence de la république, entraînée malgré elle dans une polémique, de désavouer le ministre" des Moudjahidine.
L'absence de réaction officielle à Alger s'expliquerait par la volonté des autorités de ne pas jeter de l'huile sur le feu et aussi par le fait que le ministre des Moudjahidine, qui s'exprimait à titre personnel, n'est pas habilité à parler au nom de la diplomatie algérienne, explique-t-on dans les milieux officiels algériens.
Selon ces milieux, le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci, de passage la semaine dernière à Paris, où il avait été reçu par son homologue français Bernard Kouchner, avait exprimé la position de l'Algérie en soulignant, en réponse à une question sur la repentance, qu'il fallait "laisser faire le temps et arrimer nos ambitions au futur".
Par Par Abdellah CHEBALLAH-AFP

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