Mohammed est un bébé de deux ans qui n’a jamais connu les douceurs d’une fête d’anniversaire, où les bébés nagent, de droit, dans un déluge d’amour et des tonnes de cadeaux.
A quelques dizaines de mètres d’un nouveau lotissement de villas cossues, rivalisant en hauteur, Mohammed vit dans un gourbi avec ses quatre sœurs, Dounia, Amani, Maya et Faïza, dont l’aînée n’a que 14 ans, et leur mère, Nora, spoliée de sa jeunesse et de la beauté de son visage, ravagé par le vitiligo. Le père de famille est décédé l’an dernier suite à un arrêt cardiaque provoqué par les tourments du chômage et le sentiment d’impuissance de se procurer du lait pour ses enfants. Il était vendeur de fripe au marché de Daksi, fermé par la force publique quelques mois auparavant. Il n’avait ni assurance ni retraite. Sa famille se retrouve sans le moindre revenu. Nora et ses cinq enfants habitent depuis onze ans dans une baraque de fortune, construite à la lisière du bidonville Filahi, lui-même situé entre la cité Ziadia et les lotissements Sarkina. Quatre de ses enfants sont nés sous le toit troué de son gourbi, acheté à « un promoteur de gourbis » (le métier existe bel et bien), depuis qu’elle et son mari avaient quitté le domicile de sa belle-famille. Filahi est l’un des bidonvilles qui forment une longue ceinture flirtant avec l’oued depuis Djebel El Ouahch jusqu’à Oued El Had. Des favelas de la honte, cachées aux regards de tous les visiteurs officiels, notamment le ministre de l’Habitat, celui de la Solidarité nationale, et surtout le chef de l’Etat. Depuis plus d’une année, on multiplie les recensements et les promesses de relogement pour les milliers d’habitants du bidonville. Hélas, les logements, pourtant prêts à être distribués, demeurent otages de calculs intéressés entre des responsables bien installés dans le confort de leurs bureaux. Ont-ils vu Mohammed et ses copains jouer dans l’oued ? Dormir au milieu des nids de rats et de serpents ? Vivre séparé d’une frontière, si ténue, avec des dangers ahurissants, tandis que la mère fait la lessive pour d’autres, moyennant quelques dizaines de dinars ? Non, ils n’ont rien vu et ne verront rien comme nous tous repus et malades de notre suffisance, sourds et aveugles aux drames qui se jouent à nos portes.Aux premières averses généreuses, le gourbi de Nora sera menacé par la crue de l’oued et les eaux boueuses charriées depuis les hauteurs. Un autre hiver s’annonce rude pour tous les habitants du bidonville et leurs enfants, privés des droits humains les plus élémentaires. D’ici là, Nora vit au jour le jour, et au jour d’aujourd’hui, son souci est d’assurer le minimum du trousseau à ses enfants scolarisés et leur casse-croûte quotidien. Chaque matin, elle s’en va chercher le pain rassis du jour, et de quoi faire bouillir une marmite pleine de mensonges alimentaires.
N. Nesrouche , EL WATAN 04/10/2007
A quelques dizaines de mètres d’un nouveau lotissement de villas cossues, rivalisant en hauteur, Mohammed vit dans un gourbi avec ses quatre sœurs, Dounia, Amani, Maya et Faïza, dont l’aînée n’a que 14 ans, et leur mère, Nora, spoliée de sa jeunesse et de la beauté de son visage, ravagé par le vitiligo. Le père de famille est décédé l’an dernier suite à un arrêt cardiaque provoqué par les tourments du chômage et le sentiment d’impuissance de se procurer du lait pour ses enfants. Il était vendeur de fripe au marché de Daksi, fermé par la force publique quelques mois auparavant. Il n’avait ni assurance ni retraite. Sa famille se retrouve sans le moindre revenu. Nora et ses cinq enfants habitent depuis onze ans dans une baraque de fortune, construite à la lisière du bidonville Filahi, lui-même situé entre la cité Ziadia et les lotissements Sarkina. Quatre de ses enfants sont nés sous le toit troué de son gourbi, acheté à « un promoteur de gourbis » (le métier existe bel et bien), depuis qu’elle et son mari avaient quitté le domicile de sa belle-famille. Filahi est l’un des bidonvilles qui forment une longue ceinture flirtant avec l’oued depuis Djebel El Ouahch jusqu’à Oued El Had. Des favelas de la honte, cachées aux regards de tous les visiteurs officiels, notamment le ministre de l’Habitat, celui de la Solidarité nationale, et surtout le chef de l’Etat. Depuis plus d’une année, on multiplie les recensements et les promesses de relogement pour les milliers d’habitants du bidonville. Hélas, les logements, pourtant prêts à être distribués, demeurent otages de calculs intéressés entre des responsables bien installés dans le confort de leurs bureaux. Ont-ils vu Mohammed et ses copains jouer dans l’oued ? Dormir au milieu des nids de rats et de serpents ? Vivre séparé d’une frontière, si ténue, avec des dangers ahurissants, tandis que la mère fait la lessive pour d’autres, moyennant quelques dizaines de dinars ? Non, ils n’ont rien vu et ne verront rien comme nous tous repus et malades de notre suffisance, sourds et aveugles aux drames qui se jouent à nos portes.Aux premières averses généreuses, le gourbi de Nora sera menacé par la crue de l’oued et les eaux boueuses charriées depuis les hauteurs. Un autre hiver s’annonce rude pour tous les habitants du bidonville et leurs enfants, privés des droits humains les plus élémentaires. D’ici là, Nora vit au jour le jour, et au jour d’aujourd’hui, son souci est d’assurer le minimum du trousseau à ses enfants scolarisés et leur casse-croûte quotidien. Chaque matin, elle s’en va chercher le pain rassis du jour, et de quoi faire bouillir une marmite pleine de mensonges alimentaires.
N. Nesrouche , EL WATAN 04/10/2007
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