La recrudescence des attentats terroristes entamée par l’attentat en avril contre le Palais du gouvernement et dont le pic a été atteint avec l’attentat de Batna, est le fait d’une conjonction de facteurs internes et externes qui rendent parfaitement logique l’attitude des groupes armés qui laissent entendre qu’il n’est pas dans leur intention de fléchir en quoi que ce soit. Qu’ils s’appellent GSPC ou Al-Qaîda Maghreb.
D’abord, il y a la réalité nouvelle du terrorisme. Pour le GSPC, le changement de stratégie par la décision de rallier Al-Qaîda a été annoncée après la désignation de Abdelmalek Droudkel, dit Abou Moussab Abdelouadoud, en tant que chef national – le GSPC n’utilise pas le terme « émir », mais celui de « chef » (qaïd) afin de se différencier davantage du GIA. La décapitation du GSPC avec l’élimination de Nabil Sahraoui, dit Abou Ibrahim Mustapha, et la capture de Amari Saïfi et Abderrezak El-Para après sa remise par les autorités libyennes, en 2004, ont permis de mettre hors course la direction initiale du GPSC créé par Hassan Hattab, dit Abou Hamza, «en cessation de toute opération combattantes avec une poignée de ses hommes depuis 2003». Cela a également coupé les derniers liens avec le GIA. L’achèvement de la rupture au sein des groupes armés, organiquement et stratégiquement, allait donc pouvoir s’affirmer avec le besoin vital du GSPC de faire jonction avec toutes sortes d’organisations clandestines sur lesquelles il lui était possible de s’appuyer afin de se reconstituer. L’on cite principalement le GIC marocain dont il formera plusieurs activistes ainsi que quelques groupuscules tunisiens et libyens ainsi que les réseaux de trafic d’armes et de contrebande en tous genres au Mali et au Niger servant de base logistique au GSPC qui s’appuie sur un ancien « émir » du GIA, Mokhtar Belmokhtar dit Belaouar, pour ses approvisionnements.
L’autre particularité du GPSC a été de, très tôt, s’organiser en vue de commettre des attentats de portée politique. Des actions comme celle qui a visé le Palais du gouvernement n’ont rien d’improvisé. Depuis 2004, le quartier général du GSPC se situe en Kabylie et depuis 2006 à Boumerdès, soit encore plus près de la capitale. Ses principaux attentats se déroulent dans cette zone et sont notamment dirigés contre les services de sécurité, même si la population est également touchée si besoin est pour le GSPC. Après tout, si ce groupe mis en déroute depuis la mort de Antar Zouabri en 2002, « émir » que le GSPC considère d’ailleurs comme celui qui a souillé le djihad en Algérie, rend encore hommage à Djamel Zitouni, abattu en 1996, c’est-à-dire au djihad d’avant la vague de massacres collectifs des populations rurales. On parle donc du recentrage dans la stratégie et le mode opératoire du GSPC (clairement expliqué par mon collègue Mohamed Habili dans de précédentes éditions) et qui vise la reconquête désespérée d’une prétendue sympathie populaire autrefois acquise.
Reste la question du lien, organique ou non, à Al-Qaîda. Selon beaucoup d’officiels, dont la majorité ne s’est jamais exprimée directement mais par le truchement de soi disant indiscrétions rapportées par la presse privée, il n’y a pas d’Al-Qaîda en Algérie. Pourtant, bien qu’elle ait fait couler beaucoup d’encre, cette question, qui a été suffisamment tirée en long, en large et en travers par divers experts à longueur de colonnes de presse est parfaitement secondaire. En effet, qu’est-ce qui est le plus important : que le GSPC s’appelle Al-Qaîda au Maghreb et qu’il en fasse partie (ce qui est invérifiable) ou qu’il agisse (et cela est vérifiable) exactement et en tout point de vue comme agit Al-Qaîda en Irak, pour ne citer que ce pays ? C’est cette question qui importe plus que le reste. Du moins, s’il est bien entendu question de chercher à l’exterminer militairement.
Alors, comment opère le GSPC aujourd’hui ? Qu’a-t-il changé dans ses méthodes ? En dehors du mode opératoire des attentats, qui est devenu celui de l’attentat-suicide désormais suffisamment analysé dans d’autres écrits de presse, il convient de dire que le GSPC accomplit des efforts de médiatisation de plus en plus conséquents. A en croire ses communiqués et si on les prend pour authentiques, il prend désormais de plus en plus de positions sur la Palestine, l’Irak, la Tchétchénie, le Darfour, le Liban et l’Afghanistan. Profitant de la jungle numérique d’Internet, il lance des sites à partir de pays sur lesquels les polices du monde occidental n’ont pas d’emprise pour diffuser régulièrement des vidéos de ses différentes opérations, ses communiqués, des avis de personnalités notoirement connues pour leurs appels au djihad sous l’idéologie salafiste, des photos de ses kamikazes.
Enfin, le trait le plus marquant a été l’attaque contre les intérêts étrangers, comme les employés américains d’Halliburton et celui de Lakhdaria contre des ingénieurs français. Ce que le n°2 d’Al-Qaîda, Aymen Zawahiri, annonçait, presque près de 24 heures auparavant.
Quant à la recrudescence des attentats terroristes, elle intervient à un moment où la politique de réconciliation nationale est arrivée presque à terme au sens de sa mise en œuvre, du moins à en croire le contenu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le délai de reddition de 6 mois, arrivé à forclusion fin août 2006, prolongé ad vitam aeternam par décision politique, n’a pas été accompagné par une mesure nouvelle tant aux plans politique ou juridique, comme l’appelaient les partisans de l’amnistie générale. Il n’y a donc pas de relance sous une nouvelle forme de la part de la direction politique du pays à la démarche de réconciliation après le rejet de celle-ci par le GSPC, position qu’il a fait savoir dès le départ. Le groupe de Abdelmalek Droudkel n’avait alors d’autre choix que d’aller vers l’escalade, ne serait-ce que pour préserver la cohésion de ses troupes face à une promesse crédible de paix et de pardon de la part des autorités.
On a enregistré, au début de l’année 2007, une certaine pression mise sur la direction du GSPC à travers une vague de procès des « émirs », tous condamnés avec de lourdes peines, dont la peine capitale. Que voulait bien dire, cet épisode où l’on avait l’impression que l’on cherchait à dissocier les « émirs » de leurs éléments ? Que pouvait-il marquer de plus que l’impatience des autorités ? En tout état de cause, le groupe d’Abou Moussab Abdelwadoud a répondu, en avril de la même année, par une série d’attentats marqués par une plus grande hauteur dans la cible, une plus grande économie de ses moyens et une plus grande détermination illustrée par les kamikazes. La réponse des autorités a été cet ordre donné par le président Bouteflika d’intensifier la lutte antiterroriste. Et à la veille du ramadan, la reddition de Hassan Hattab (Abou Hamza) est venu brouiller la lisibilité d’une situation qui s’acheminait vers l’impasse. Mais que peut Hattab, de qui l’on attendait semble-t-il un appel à la reddition à l’adresse du GSPC ? De quelle influence peut-il encore faire preuve par rapport à ceux qui l’ont chassé de leurs maquis ? En vérité, tout confirme que le désarmement du GSPC, que celui-ci soit allié à Al-Qaîda ou pas et que l’on élargisse l’offre de paix, y compris à une ouverture politique sur un ou quelques uns des dirigeants politiques de l’islamisme radical n’est aucunement possible en l’état actuel des choses. Et cela est organique au GSPC lui-même et cela échappe même à l’actuelle direction du groupe terroriste, qui a choisi de s’exclure de l’équation politique et sécuritaire nationale.
Nabil Benali, Les Débats 20/10/2007
D’abord, il y a la réalité nouvelle du terrorisme. Pour le GSPC, le changement de stratégie par la décision de rallier Al-Qaîda a été annoncée après la désignation de Abdelmalek Droudkel, dit Abou Moussab Abdelouadoud, en tant que chef national – le GSPC n’utilise pas le terme « émir », mais celui de « chef » (qaïd) afin de se différencier davantage du GIA. La décapitation du GSPC avec l’élimination de Nabil Sahraoui, dit Abou Ibrahim Mustapha, et la capture de Amari Saïfi et Abderrezak El-Para après sa remise par les autorités libyennes, en 2004, ont permis de mettre hors course la direction initiale du GPSC créé par Hassan Hattab, dit Abou Hamza, «en cessation de toute opération combattantes avec une poignée de ses hommes depuis 2003». Cela a également coupé les derniers liens avec le GIA. L’achèvement de la rupture au sein des groupes armés, organiquement et stratégiquement, allait donc pouvoir s’affirmer avec le besoin vital du GSPC de faire jonction avec toutes sortes d’organisations clandestines sur lesquelles il lui était possible de s’appuyer afin de se reconstituer. L’on cite principalement le GIC marocain dont il formera plusieurs activistes ainsi que quelques groupuscules tunisiens et libyens ainsi que les réseaux de trafic d’armes et de contrebande en tous genres au Mali et au Niger servant de base logistique au GSPC qui s’appuie sur un ancien « émir » du GIA, Mokhtar Belmokhtar dit Belaouar, pour ses approvisionnements.
L’autre particularité du GPSC a été de, très tôt, s’organiser en vue de commettre des attentats de portée politique. Des actions comme celle qui a visé le Palais du gouvernement n’ont rien d’improvisé. Depuis 2004, le quartier général du GSPC se situe en Kabylie et depuis 2006 à Boumerdès, soit encore plus près de la capitale. Ses principaux attentats se déroulent dans cette zone et sont notamment dirigés contre les services de sécurité, même si la population est également touchée si besoin est pour le GSPC. Après tout, si ce groupe mis en déroute depuis la mort de Antar Zouabri en 2002, « émir » que le GSPC considère d’ailleurs comme celui qui a souillé le djihad en Algérie, rend encore hommage à Djamel Zitouni, abattu en 1996, c’est-à-dire au djihad d’avant la vague de massacres collectifs des populations rurales. On parle donc du recentrage dans la stratégie et le mode opératoire du GSPC (clairement expliqué par mon collègue Mohamed Habili dans de précédentes éditions) et qui vise la reconquête désespérée d’une prétendue sympathie populaire autrefois acquise.
Reste la question du lien, organique ou non, à Al-Qaîda. Selon beaucoup d’officiels, dont la majorité ne s’est jamais exprimée directement mais par le truchement de soi disant indiscrétions rapportées par la presse privée, il n’y a pas d’Al-Qaîda en Algérie. Pourtant, bien qu’elle ait fait couler beaucoup d’encre, cette question, qui a été suffisamment tirée en long, en large et en travers par divers experts à longueur de colonnes de presse est parfaitement secondaire. En effet, qu’est-ce qui est le plus important : que le GSPC s’appelle Al-Qaîda au Maghreb et qu’il en fasse partie (ce qui est invérifiable) ou qu’il agisse (et cela est vérifiable) exactement et en tout point de vue comme agit Al-Qaîda en Irak, pour ne citer que ce pays ? C’est cette question qui importe plus que le reste. Du moins, s’il est bien entendu question de chercher à l’exterminer militairement.
Alors, comment opère le GSPC aujourd’hui ? Qu’a-t-il changé dans ses méthodes ? En dehors du mode opératoire des attentats, qui est devenu celui de l’attentat-suicide désormais suffisamment analysé dans d’autres écrits de presse, il convient de dire que le GSPC accomplit des efforts de médiatisation de plus en plus conséquents. A en croire ses communiqués et si on les prend pour authentiques, il prend désormais de plus en plus de positions sur la Palestine, l’Irak, la Tchétchénie, le Darfour, le Liban et l’Afghanistan. Profitant de la jungle numérique d’Internet, il lance des sites à partir de pays sur lesquels les polices du monde occidental n’ont pas d’emprise pour diffuser régulièrement des vidéos de ses différentes opérations, ses communiqués, des avis de personnalités notoirement connues pour leurs appels au djihad sous l’idéologie salafiste, des photos de ses kamikazes.
Enfin, le trait le plus marquant a été l’attaque contre les intérêts étrangers, comme les employés américains d’Halliburton et celui de Lakhdaria contre des ingénieurs français. Ce que le n°2 d’Al-Qaîda, Aymen Zawahiri, annonçait, presque près de 24 heures auparavant.
Quant à la recrudescence des attentats terroristes, elle intervient à un moment où la politique de réconciliation nationale est arrivée presque à terme au sens de sa mise en œuvre, du moins à en croire le contenu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le délai de reddition de 6 mois, arrivé à forclusion fin août 2006, prolongé ad vitam aeternam par décision politique, n’a pas été accompagné par une mesure nouvelle tant aux plans politique ou juridique, comme l’appelaient les partisans de l’amnistie générale. Il n’y a donc pas de relance sous une nouvelle forme de la part de la direction politique du pays à la démarche de réconciliation après le rejet de celle-ci par le GSPC, position qu’il a fait savoir dès le départ. Le groupe de Abdelmalek Droudkel n’avait alors d’autre choix que d’aller vers l’escalade, ne serait-ce que pour préserver la cohésion de ses troupes face à une promesse crédible de paix et de pardon de la part des autorités.
On a enregistré, au début de l’année 2007, une certaine pression mise sur la direction du GSPC à travers une vague de procès des « émirs », tous condamnés avec de lourdes peines, dont la peine capitale. Que voulait bien dire, cet épisode où l’on avait l’impression que l’on cherchait à dissocier les « émirs » de leurs éléments ? Que pouvait-il marquer de plus que l’impatience des autorités ? En tout état de cause, le groupe d’Abou Moussab Abdelwadoud a répondu, en avril de la même année, par une série d’attentats marqués par une plus grande hauteur dans la cible, une plus grande économie de ses moyens et une plus grande détermination illustrée par les kamikazes. La réponse des autorités a été cet ordre donné par le président Bouteflika d’intensifier la lutte antiterroriste. Et à la veille du ramadan, la reddition de Hassan Hattab (Abou Hamza) est venu brouiller la lisibilité d’une situation qui s’acheminait vers l’impasse. Mais que peut Hattab, de qui l’on attendait semble-t-il un appel à la reddition à l’adresse du GSPC ? De quelle influence peut-il encore faire preuve par rapport à ceux qui l’ont chassé de leurs maquis ? En vérité, tout confirme que le désarmement du GSPC, que celui-ci soit allié à Al-Qaîda ou pas et que l’on élargisse l’offre de paix, y compris à une ouverture politique sur un ou quelques uns des dirigeants politiques de l’islamisme radical n’est aucunement possible en l’état actuel des choses. Et cela est organique au GSPC lui-même et cela échappe même à l’actuelle direction du groupe terroriste, qui a choisi de s’exclure de l’équation politique et sécuritaire nationale.
Nabil Benali, Les Débats 20/10/2007
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