Le wali qui devait présider hier une rencontre avec les élus locaux dédiée à la gestion des collectivités locales est resté cloîtré dans son cabinet, quadrillé par un dispositif sécuritaire impressionnant. Et pour cause, plusieurs dizaines de citoyens habitant le vieux quartier du Bardo étaient venus exprimer leur colère vis-à-vis de l’imminente opération de relogement et des péripéties qui ont prévalu au traitement de ce dossier par les services de la wilaya, voire leur rejet catégorique de l’éradication de cette cité mythique de Constantine.Une opération qui s’inscrit, faut-il le rappeler, dans le cadre du Projet programme de modernisation de la métropole Constantine (PPMMC), objet exclusif de la visite attendue du chef de l’Etat. Si l’émeute a été évitée de justesse hier, rien ne présage un apaisement pour les journées à venir, notamment pour le début de la semaine prochaine. Le relogement de près de 600 familles annoncé pour ce dimanche est quasiment compromis par la menace des contestataires qui promettent l’escalade au moment opportun. Dès lors, la question lancinante qui se pose est de savoir si la visite prévue du président Bouteflika n’est pas, elle aussi, compromise ? Tout porte à le croire puisque «l’exhibition» d’hier, un jour férié, a considérablement perturbé la circulation au centre-ville et mis en alerte un dispositif de sécurité impressionnant. Plusieurs centaines de locataires du quartier du Bardo ont investi, dans la matinée d’hier, la rue Kennedy où siège le wali de Constantine pour décrier les attributions de logements, distribués mercredi dernier dans le cadre du fameux Projet programme de modernisation de la métropole Constantine (PPMMC). Ces protestataires, qui réclamaient notamment la révision de cette opération, ont été, selon leurs dires, soit exclus de la liste des bénéficiaires de logements, soit ont eu droit à de «misérables» appartements de type F2 qui ne peuvent répondre à leurs besoins. Certains parmi eux ont revendiqué l’indemnisation avant le recasement puisque, à leurs yeux, l’expropriation de leurs biens reste encore «floue» à partir du moment où rien n’a filtré sur ce sujet, si ce n’est, les déclarations du wali, M. Abdelmalek Boudiaf, promettant des indemnisations selon les prix actuels du marché de l’immobilier ou encore le recours à la justice pour ceux qui refusent de quitter les lieux. Une action qui ne peut être entreprise, d’après eux, parce que les décisions de destruction de leurs habitations, exigée par la justice n’ont pas été délivrées. Aussi, les mesures prises par la commission chargée du dossier de ne pas attribuer de logements aux femmes divorcées, lesquelles étaient nombreuses hier devant le cabinet du wali, et aux personnes âgées, n’a pas été du goût de ces protestataires qui s’interrogeaient sur le sort de ces personnes âgées qui représentent des cas sociaux particuliers. L’attitude provocatrice du chef de daïra lors de la séance du tirage au sort qui s’est déroulée hier dans des conditions particulières, soit sous haute sécurité, a ajouté de l’huile sur le feu. Ce responsable aurait suggéré devant tout le monde, que les personnes âgées puissent trouver refuge, le cas échéant à «Diyar Errahma». Hier aussi, ce même commis de l’Etat a récidivé, péchant par son manque de tact dans ses palabres avec les contestataires devant le cabinet du wali. «J’habite avec mes frères et enfants dans un immeuble de 5 niveaux (18 pièces). Ma sœur divorcée, à elle seule, habite dans un étage. Comment se fait-il qu’ils l’excluent de la liste alors qu’elle est propriétaire de tout un appartement de 100 m2 ? Où peut-elle aller ? Les responsables de la commission avancent souvent des arguments qui frisent le ridicule ! Comme quoi, c’est une femme solitaire et ne peut se prendre en charge ou encore qu’elle transformera son appartement en un lieu de débauche» affirme un sexagénaire qui jure avoir des documents authentiques qui prouvent sa propriété. Il ajoutera qu’il ne quittera jamais les lieux sauf en cas d’indemnisation correcte. D’autres sont allés jusqu’à proférer des menaces pour mener un mouvement de protestation plus violent dimanche prochain, date arrêtée par la wilaya afin de recaser la première vague des locataires du Bardo (600 familles). «Si aujourd’hui nous sommes peu nombreux, dimanche nous seront plusieurs milliers. Nous n’irons nulle part sauf après le dédommagement de tous les ayants-droit. Personnellement, on m’a octroyé un logement mais, je suis solidaire avec mes voisins qui ont été exclus alors que certains étrangers au quartier, usant de tricheries, ont bénéficié de logements» rétorque un jeune homme, la trentaine. Ce mouvement qui a pris fin à la mi-journée après l’intervention des forces de l’ordre qui auraient reçu l’ordre de se faire plus discrètes et l’arrivée du chef de Sûreté de wilaya. Des arrestations auraient été enregistrées parmi les protestataires qui, il est vrai, ont quitté la rue Kennedy sans incident majeur mais jurent de ne plus quitter leurs maisons. «Qu’ils m’évacuent avec les débris de ma maison parce que je ne la cèderai jamais» dira un autre habitant du quartier. Qu’en sera-t-il dimanche ?
Lyas Hallas LE SOIR D'ALGERIE 10/01/2008
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