Wednesday, March 21, 2007

L'ambivalence de Bouteflika

La dernière interview de Abdelaziz Bouteflika au quotidien «El Païs» constitue un véritable chef-d'œuvre de l'ambivalence, le double discours par excellence mais aussi le jeu ouvert d'un miroir aux alouettes. «L'affaire du Sahara (...), dit-il, ne sera jamais à l'origine d'une déclaration de guerre entre l'Algérie et le Maroc». L'entretien au journal madrilène a été réalisé à la veille de la visite en Algérie du Roi Juan Carlos et de la Reine Sofia.Relevant tout de même, mieux que la presse algérienne, qu'il existe «une divergence» entre Madrid et Alger sur le Sahara, le président Bouteflika a cru interpeller l'Espagne en affirmant qu'elle a «une responsabilité morale et historique et qu'il ne s'agit pas d'un simple conflit, mais d'un sérieux problème de décolonisation». Décolonisation, donc ! Le président Bouteflika met sous le boisseau définitif l'accord tripartite de Madrid, dont il feint de se souvenir à peine, alors qu'il avait mis toutes ses forces, en octobre et novembre 1975, pour le combattre violemment.N'est-ce pas le 10 novembre même qu'une orageuse rencontre entre feu Mokhtar Ould Daddah et feu Boumedienne à Béchar s'était illustrée par la colère et les menaces quasi physiques de l'ancien président algérien sur l'ancien président mauritanien, caractérisée par des pressions hors du commun et lui enjoignant de se désolidariser du Maroc et de rejeter l'accord en préparation entre le Maroc, l'Espagne et la Mauritanie ? M. Bouteflika ne peut avoir la mémoire aussi courte sur cette période, si effervescente et riche en rebondissement. Il était le maître d'œuvre de la rencontre à laquelle il avait pris part.Il connaissait les positions des uns et des autres, et l'Algérie n'était pas loin de l'endroit même où se tenait la cérémonie de l'accord de décolonisation du Sahara signé le 14 novembre 1975. Car, au même moment, certains de ses hauts dirigeants, flanqués de propagandistes et d'agents des services, s'efforçaient dans l'officine de mettre la pression sur des membres de la Jemâa – en l'occurrence Haj Khatri Ould Joumani – pour qu'il se désolidarisât du Maroc ! L'accord de Madrid, quand bien même l'Algérie continue à le renier, reste un document diplomatique officiel, entériné de surcroît par l'Onu un mois plus tard, en décembre 1975. C'est un accord fédérateur et non de division des populations du Sahara marocain. M. Bouteflika, dans la même interview, nie avoir proposé la partition du Sahara il y a trois ans. Le comble, c'est que les textes existent, catalogués en «Plan Baker 2 ou Plan Baker 3» où il précise même une période de transition. On n'est jamais aussi gravement rattrapé par ses propres déclarations que dans cette histoire de «partition du Sahara» et de la fermeture des frontières dont il entend attribuer la responsabilité au Maroc…
(Le matin)

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