Jean-Pierre Peyroulou est chercheur associé au Centre d'étude des mondes africains à Paris et à ce titre spécialiste des questions algériennes. Comment expliquer la flambée contestataire qui gagne les villes d'Algérie? Le point de départ, c'est l'augmentation du prix des denrées de première nécessité. En 2008, contrairement à l'Égypte, l'Algérie n'avait pas connu d'événements, car le pouvoir joue en général un rôle d'amortisseur en subventionnant les prix des denrées de base. Là, il y a eu plusieurs facteurs: l'augmentation des prix, l'annonce de la hausse de 50% du salaire des policiers, très mal vécue dans un pays où la police est considérée comme une force purement répressive. Il y a aussi un effet d'entraînement par rapport aux mouvements sociaux et à la révolte inédite en Tunisie. Le sentiment très fort d'injustice est entretenu par un taux de chômage très élevé. Quelles conséquences ces émeutes peuvent-elles avoir pour le pouvoir algérien?D'abord, il faut rappeler que les émeutes en soi ne sont pas un phénomène nouveau: il y a des milliers de micro-émeutes chaque année en Algérie, sans que cela remette en cause le pouvoir. Ensuite, on saisit très mal la nature du pouvoir algérien. Certains considèrent que le pays est tenu par un homme fort, à la tête de l'État, d'autres jugent que (le président) Abdelaziz Bouteflika n'est que le paravent d'un régime dominé par l'armée. Les récentes fuites de WikiLeaks montrent que les Américains eux-mêmes s'interrogent et n'ont pas de réponse. C'est très certainement un pouvoir clanique, fondé sur un équilibre fragile entre plusieurs forces, un homme fort, l'armée et les renseignements, les puissances économiques, etc.Quelle est la marge de manoeuvre du régime pour sortir de cette situation? Il y a plusieurs réponses possibles. Il y a la réponse économique, qui consiste à remonter les subventions sur les denrées de base. Et il y a une réponse politique, plus difficile. Parce que l'État est en panne et la société aussi. Les partis ne sont que de petites écuries, sans existence réelle dans la société. Il n'y a pas non plus de relais à la contestation dans la société civile: il n'y a pas de véritable syndicat, face à la toute puissante UGTA (proche du pouvoir, ndlr), capable de fédérer le mécontentement.
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