La situation d’instabilité au nord du Mali ne date pas d’aujourd’hui. La médiation tout en patience d’Alger qui a toujours tenté d’intervenir sans se donner des airs d’ingérence non plus. Cette fois, et alors que la mise en œuvre des Accords d’Alger de 2006 est en difficulté, certaines parties locales semblent tout tenter pour exclure l’Algérie de l’équation malienne. C’est là l’enjeu immédiat d’un conflit aux couleurs locales, au cœur duquel se mêlent des considérations tribales inextricables et des convoitises économiques peu apparentes pour un pays aussi démuni.
La complexité de la situation d’instabilité qui a marqué le Mali ces derniers jours constitue une source de préoccupation sérieuse pour l’Algérie, pour qui ce pays représente un voisin important, avec lequel sont partagés un espace frontalier considérable, des liens commerciaux et un mouvement humain non négligeable. En effet, les liens sont tellement étroits, d’ailleurs, que beaucoup d’Algériens croyaient, jusque là que Tinzaouatène se trouvait à l’extrême Sud de l’Algérie et non pas au plus haut point du nord du Mali. Beaucoup ignorent aussi que ce pays dispose d’un consulat à Tamanrasset, à l’activité incessante comme il est permis de le deviner, en raison du volume de flux légal et illégal de ressortissants maliens, mais aussi en raison du mouvement des touaregs qui développement des liens familiaux, sinon tribaux des deux parts de la frontière commune. Un déplacement qui se fait réciproquement sans obligation de visa, pour dire l’excellence des rapports entre les deux gouvernements. Ce cadre historique (auquel l’on peut ajouter une coopération de longue date et une tradition, si l’on peut dire, de soutien au développement pour lequel Alger a toujours montré sa disponibilité dans la veine de son historique implication pour les question africaines), reste le facteur le plus déterminant qui fait que non seulement la crise du nord du Mali est un problème face auquel l’Algérie ne peut rester indifférente, mais c’est aussi un élément qui fait que, plus que toute autre partie, l’Algérie reste le pays le mieux placé pour jouer un rôle éventuel, si tant est que les protagonistes du conflit l’admettent comme tel. On peut dire que jusque là, aux yeux de la communauté internationale et à l’échelon africain, c’est déjà le cas. Et ça l’est davantage pour les autorités maliennes, comme pour les représentants de la rébellion touareg qui jusque là ont toujours fait appel à la médiation algérienne depuis les années 1970. Ce contexte a permis, tout récemment, la conclusion de l’accord d’Alger entre le gouvernement malien et Alliance Démocratique pour du 23 mai 2006 pour le Changement, après le conflit armé né de la contestation de nord maliens de la discrimination dont ils disent être victimes. Ces accords, fruit d’un consensus laborieusement tissé après une série de va-et-vient de diplomates algériens (représentant le «facilitateur») entre les délégations des deux parties séjournant à Alger même , portait sur la pacification de la région de Kidal au nord du Mali parallèlement à un allégement du dispositif militaire gouvernemental, des mesures en faveur du développement de la région et l’intégration de sa population à tous les niveaux et la création d’instances de mise en œuvre et de suivi.
Le rôle néfaste de la diaspora
Etait-ce suffisant pour un retour durable de la stabilité ? Non, loin s’en faut, comme on le constate sur le terrain même. Mais ce n’est pas au Mali même que la crise a rebondit. Tout a été relancé, en fait, parmi les puissants milieux d’affaires de la diaspora malienne (principal relais des investisseurs occidentaux), en France et aux Etats-Unis qui voyaient dans ces accords un affaiblissement de l’Etat central qui a ainsi «plié le genou devant de simples renégats». Sur impulsion du président Amadou Toumani Touré (ATT), fraîchement réélu, des figures du pouvoir ont réagi en lançant une vaste campagne à l’endroit des populations des différentes régions pour leur demander de dépasser les considération ethnique en faveur de l’unité nationale. Mais la critique venant de l’opposition à l’extérieur estimait surtout que les accords d’Alger, parce que signés en terre extérieure, étaient nuls et non avenus. Des critiques qui leur conféraient, dans leur teneur, un caractère anticonstitutionnel, voire séparatiste. Un débat qui a fait couler beaucoup d’encre au Mali, pendant que certains journaux de la presse locale estimaient que, Bahanga et Fagaga, les deux leaders de l’Alliance démocratique, avaient bénéficié de trop de concessions. Des éditorialistes, dont on peut mettre en doute les priorités, s’oublient aussi à accuser Alger de les soutenir en sous-main…
Pris au milieu de cet étau, entre leurs engagements dans le cadre des Accords d’Alger et la pression des puissantes tribus du sud, les autorités de Bamako ont entrepris, donc, de gérer une sorte d’équilibre instable. Et c’est en toute logique que l’application des dispositions de l’accord a pris un sérieux coup de ralentisseur. Cette situation, après quelques mois seulement, a été bien suffisante semble-t-il pour que les touaregs du nord du Mali débrident une méfiance bien retenue jusque là à l’égard des autorités de Bamako. Des nouveaux accrochages ont éclatent à Tinzaouatène au début de ce mois, l’armée malienne a été une nouvelle fois attaquée et les rebelles ont montré une détermination telle que même un avion de ravitaillement américain essuie des tirs à la frontière algéro-malienne. La tension n’a été ramenée à des proportions gérables que grâce à l’intervention de notables du nord du mali, bine placés pour ce rôle puisque leur majorité sont membre fondateurs de l’alliance démocratique pour le changement. Une intervention soutenue par la diplomatie algérienne. On obtient rapidement une trêve et une promesse du leader des rebelles, Ag Bahanga de libérer la trentaine d’otages enlevés les 26 et 27 août dernier.
Une médiation, des résultats
A ce stade, et pour mettre toutes les chances de son coté, le gouvernement malien a officiellement demandé la semaine écoulée à l’Algérie de participer "aux efforts de retour à la paix" dans le nord du Mali, au lendemain de l’entrée en vigueur d’une trêve entre rebelles touareg et armée. Le président malien a reçu l’ambassadeur d’Algérie au Mali. C’est le diplomate algérien Abdelkrim Gheraieb, fin négociateur, est très familier du dossier touareg du nord du Mali qui est chargé du dossier. Ce dernier avait en effet déjà obtenu du chef rebelle touareg Ibrahim Ag Bahanga en 1999 la libération de militaires de l’armée régulière, qui avaient été enlevés pour exiger que le village de Bahanga situé dans le nord-est soit érigé en commune rurale dans le cadre de la décentralisation. C’est également l’ambassadeur de l’Algérie au Mali qui a dirigé les négociations entre les ex-rebelles touaregs du Mali et le gouvernement malien qui ont abouti en juillet 2006 aux "accords d’Alger".
Premiers résultats, qu’Alger a prudemment évité de revendiquer, sept otages ont été libérés vendredi dernier par le groupe de Ibrahim Bahanga, un geste visant à prouver "sa bonne foi". Si l’on en croit le compte rendu du journaliste de l’AFP, tous ses interlocuteurs ont souligné «le rôle joué dans la libération des otages par l’Algérie». «Vraiment, il faut dire merci à l’Algérie. (...) Un responsable algérien a assisté à la remise des otages", a affirmé le député-médiateur Al Ghabas Ag Intalla à cette agence. Coté rebelle, le concordance du ton pousse à l’optimisme : "nous sommes tous Maliens. Nous devons, avec l’aide de l’Algérie, trouver une solution à nos problèmes", a pour sa part annoncé Ibrahim Ag Bahanga.
Ce dénouement, en attendant la suite des événements, est intervenu à la veille de la fête de l’indépendance du Mali. Pour la symbolique, le message du président Bouteflika à son homologue malien est plus que millimétré. «Je voudrais, à cette occasion, vous assurer de mon plein appui à l’action que vous n’avez cessé de mener pour consolider la paix et le développement de votre pays", ajoute le chef de l’Etat. Il me plait également de vous redire mon intérêt pour le renforcement et la diversification des relations d’amitié, de fraternité, de solidarité et de coopération entre nos deux pays…», écrit le président algérien.
Une tâche de Sisyphe
Cet effort de consolidation de la stabilité du Mali n’est effectivement pas une tâche facile. Il risque, au vu de la situation, d’exiger encore à l’avenir toute l’énergie de la diplomatie algérienne pour les années à venir. Pour le comprendre, il faut tout simplement savoir les conditions de sous-développement que vit la population locale, celle du nord plus que toute autre en raison de la sévérité du climat saharien et des vagues de sécheresses et de famines qui frappent la région depuis les années 1970, provoquant une paupérisation quasiment endémique.
On compte à peu près 300.000 touaregs au nord du Mali. Tout comme les touaregs nomades des autres pays, ils ont refusé toute scolarisation durant la colonisation, ce qui a affaibli leur position au moment des indépendances. Les famines de 1973-74 et de 1984-85 voient la disparition de leurs troupeaux et des milliers de jeunes touareg ont alors migré vers les villes, l’Algérie ou la Libye, où Mouammar Kadhafi en incorpora plusieurs milliers dans sa fameuse et très méconnue «Légion islamique». Mais une décennie plus tard, face à la dégradation de l’économie libyenne et la chute des cours du pétrole, les jeunes exilés ont été contraints au retour parfois forcé dans leurs pays avant de grossir rapidement les rangs des mouvements réclamant autonomie et développement contre les pouvoirs centraux successifs. On se souvient encore de la guérilla des sables au début des années 1990 qui a fait plusieurs centaines de victimes et des milliers de déplacés vers le Burkina Faso et l’Algérie, avant que le pacte national d’avril 1992 aboutisse à la paix et à la reconnaissance de la spécificité du Nord du Mali. Accord qui généré une décentralisation des régions touaregs assortie d’une large autonomie de gestion, ainsi que le désarmement des combattants touareg et leur intégration au sein de l’armée, les corps para-militaires et la fonction publique. Des dispositions pas toujours appliquées à la lettre en raisons de pressions tribales sur le pouvoir central. C’est visiblement encore le cas aujourd’hui.
La solution, le développement
Le versant économique du problème malien se situe dans la situation économique du pays. Avec une dette extérieure considérée faussement comme faible, parce que ne dépassant pas les 2,8 milliards de dollars US (avec un revenu par habitant de 380 dollars en 2006), le Mali est dans l’impossibilité de rembourser sa dette. Aux termes d’un certain comité franco-malien pour l’annulation de celle-ci, il faudra quatre générations pour rembourser la dette en 106 ans ! Entre temps, les plans d’ajustement structurel n’ont produit que des catastrophes : 10 000 pertes d’emplois avec la privatisation et la liquidation des sociétés et entreprises d’Etat durant les années 1990. De même, la promesse d’allégement de 40 % du stock de la dette extérieure par la France et la décision de réduction de 70 millions de dollars consentis par la Club de Paris en mars 2003 et l’annulation de 37 milliards de dollars de dette en mars 2004 du Mali à l’égard du Japon dans le cadre de l’initiative PPTE n’ont pas permis d’apaiser les souffrances des populations dues au fardeau de la dette, selon ce même comité. Ce dernier souligne qu’après 20 ans d’ajustement structurel, il n’existe pour le Mali aucun espoir de sortie du carcan de la dette. Dans l’hypothèse la plus optimiste, le Mali ne pourrait payer la totalité de ses dettes qu’au bout de 45 ans, dans l’hypothèse pessimiste surtout avec la détérioration de la situation économique du pays, ce délai serait de 106 ans, soit sur quatre générations. On voit bien que la marge de manœuvre du pouvoir central pour calmer les tensions internes est des plus faibles.
De l’or, mais pas pour tout le monde
En résumé, la gestion par Bamako de ces tensions contradictoires, avec peu d’atout certes, débouche le plus souvent sur un équilibre précaire qui doit constamment faire au bénéfice d’une partie et au détriment d’une autre. Pour éviter le pire, les autorités n’ont aucun autre choix, semble-t-il, que de changer de temps à autres de mécontent. Cette gestion par réaction risque cependant d’être de courte vue. Elle est parfois porteuse de danger, comme on le voit dans le cas de l’exploitation des ressources naturelles qui devaient être en principe une formidable opportunité pour ce pays. Depuis 2003, le Mali est le troisième producteur africain d’or et espère passer au 3eme rang d’exportateur mondial du métal jaune. Cette perspective, après les fiasco des promesses de l’avènement de salutaires provinces pétrolifères, suscite plus de mécontentements que d’accalmie, notamment de la part des populations pauvres du nord. Qu’en est-il en fait ? Voyons ce que dit la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme sur la question. "L’exploitation industrielle des mines d’or a suscité des espoirs énormes pour le développement économique", mais elle "n’a pas permis au Mali de sortir de la pauvreté". Elle y rappelle que le pays demeure au 175e rang (sur 177) sur l’échelle de développement humain du Programme de l’Onu pour le développement (PNUD). L’augmentation des ressources de l’Etat aurait dû avoir une influence positive sur les dépenses du gouvernement en matière d’éducation, de santé, ou d’infrastructures, selon cette même source. Mais les codes miniers mis en place avec le soutien de la Banque mondiale encouragent l’investissement étranger en offrant aux entreprises de vastes exemptions fiscales pendant cinq ans, privant ainsi l’Etat des ressources qu’il pourrait tirer de cette activité économique. Mais cela, c’est bien évidemment une affaire purement malienne.
Nabil Benali, Les débats 26/07/2007
La complexité de la situation d’instabilité qui a marqué le Mali ces derniers jours constitue une source de préoccupation sérieuse pour l’Algérie, pour qui ce pays représente un voisin important, avec lequel sont partagés un espace frontalier considérable, des liens commerciaux et un mouvement humain non négligeable. En effet, les liens sont tellement étroits, d’ailleurs, que beaucoup d’Algériens croyaient, jusque là que Tinzaouatène se trouvait à l’extrême Sud de l’Algérie et non pas au plus haut point du nord du Mali. Beaucoup ignorent aussi que ce pays dispose d’un consulat à Tamanrasset, à l’activité incessante comme il est permis de le deviner, en raison du volume de flux légal et illégal de ressortissants maliens, mais aussi en raison du mouvement des touaregs qui développement des liens familiaux, sinon tribaux des deux parts de la frontière commune. Un déplacement qui se fait réciproquement sans obligation de visa, pour dire l’excellence des rapports entre les deux gouvernements. Ce cadre historique (auquel l’on peut ajouter une coopération de longue date et une tradition, si l’on peut dire, de soutien au développement pour lequel Alger a toujours montré sa disponibilité dans la veine de son historique implication pour les question africaines), reste le facteur le plus déterminant qui fait que non seulement la crise du nord du Mali est un problème face auquel l’Algérie ne peut rester indifférente, mais c’est aussi un élément qui fait que, plus que toute autre partie, l’Algérie reste le pays le mieux placé pour jouer un rôle éventuel, si tant est que les protagonistes du conflit l’admettent comme tel. On peut dire que jusque là, aux yeux de la communauté internationale et à l’échelon africain, c’est déjà le cas. Et ça l’est davantage pour les autorités maliennes, comme pour les représentants de la rébellion touareg qui jusque là ont toujours fait appel à la médiation algérienne depuis les années 1970. Ce contexte a permis, tout récemment, la conclusion de l’accord d’Alger entre le gouvernement malien et Alliance Démocratique pour du 23 mai 2006 pour le Changement, après le conflit armé né de la contestation de nord maliens de la discrimination dont ils disent être victimes. Ces accords, fruit d’un consensus laborieusement tissé après une série de va-et-vient de diplomates algériens (représentant le «facilitateur») entre les délégations des deux parties séjournant à Alger même , portait sur la pacification de la région de Kidal au nord du Mali parallèlement à un allégement du dispositif militaire gouvernemental, des mesures en faveur du développement de la région et l’intégration de sa population à tous les niveaux et la création d’instances de mise en œuvre et de suivi.
Le rôle néfaste de la diaspora
Etait-ce suffisant pour un retour durable de la stabilité ? Non, loin s’en faut, comme on le constate sur le terrain même. Mais ce n’est pas au Mali même que la crise a rebondit. Tout a été relancé, en fait, parmi les puissants milieux d’affaires de la diaspora malienne (principal relais des investisseurs occidentaux), en France et aux Etats-Unis qui voyaient dans ces accords un affaiblissement de l’Etat central qui a ainsi «plié le genou devant de simples renégats». Sur impulsion du président Amadou Toumani Touré (ATT), fraîchement réélu, des figures du pouvoir ont réagi en lançant une vaste campagne à l’endroit des populations des différentes régions pour leur demander de dépasser les considération ethnique en faveur de l’unité nationale. Mais la critique venant de l’opposition à l’extérieur estimait surtout que les accords d’Alger, parce que signés en terre extérieure, étaient nuls et non avenus. Des critiques qui leur conféraient, dans leur teneur, un caractère anticonstitutionnel, voire séparatiste. Un débat qui a fait couler beaucoup d’encre au Mali, pendant que certains journaux de la presse locale estimaient que, Bahanga et Fagaga, les deux leaders de l’Alliance démocratique, avaient bénéficié de trop de concessions. Des éditorialistes, dont on peut mettre en doute les priorités, s’oublient aussi à accuser Alger de les soutenir en sous-main…
Pris au milieu de cet étau, entre leurs engagements dans le cadre des Accords d’Alger et la pression des puissantes tribus du sud, les autorités de Bamako ont entrepris, donc, de gérer une sorte d’équilibre instable. Et c’est en toute logique que l’application des dispositions de l’accord a pris un sérieux coup de ralentisseur. Cette situation, après quelques mois seulement, a été bien suffisante semble-t-il pour que les touaregs du nord du Mali débrident une méfiance bien retenue jusque là à l’égard des autorités de Bamako. Des nouveaux accrochages ont éclatent à Tinzaouatène au début de ce mois, l’armée malienne a été une nouvelle fois attaquée et les rebelles ont montré une détermination telle que même un avion de ravitaillement américain essuie des tirs à la frontière algéro-malienne. La tension n’a été ramenée à des proportions gérables que grâce à l’intervention de notables du nord du mali, bine placés pour ce rôle puisque leur majorité sont membre fondateurs de l’alliance démocratique pour le changement. Une intervention soutenue par la diplomatie algérienne. On obtient rapidement une trêve et une promesse du leader des rebelles, Ag Bahanga de libérer la trentaine d’otages enlevés les 26 et 27 août dernier.
Une médiation, des résultats
A ce stade, et pour mettre toutes les chances de son coté, le gouvernement malien a officiellement demandé la semaine écoulée à l’Algérie de participer "aux efforts de retour à la paix" dans le nord du Mali, au lendemain de l’entrée en vigueur d’une trêve entre rebelles touareg et armée. Le président malien a reçu l’ambassadeur d’Algérie au Mali. C’est le diplomate algérien Abdelkrim Gheraieb, fin négociateur, est très familier du dossier touareg du nord du Mali qui est chargé du dossier. Ce dernier avait en effet déjà obtenu du chef rebelle touareg Ibrahim Ag Bahanga en 1999 la libération de militaires de l’armée régulière, qui avaient été enlevés pour exiger que le village de Bahanga situé dans le nord-est soit érigé en commune rurale dans le cadre de la décentralisation. C’est également l’ambassadeur de l’Algérie au Mali qui a dirigé les négociations entre les ex-rebelles touaregs du Mali et le gouvernement malien qui ont abouti en juillet 2006 aux "accords d’Alger".
Premiers résultats, qu’Alger a prudemment évité de revendiquer, sept otages ont été libérés vendredi dernier par le groupe de Ibrahim Bahanga, un geste visant à prouver "sa bonne foi". Si l’on en croit le compte rendu du journaliste de l’AFP, tous ses interlocuteurs ont souligné «le rôle joué dans la libération des otages par l’Algérie». «Vraiment, il faut dire merci à l’Algérie. (...) Un responsable algérien a assisté à la remise des otages", a affirmé le député-médiateur Al Ghabas Ag Intalla à cette agence. Coté rebelle, le concordance du ton pousse à l’optimisme : "nous sommes tous Maliens. Nous devons, avec l’aide de l’Algérie, trouver une solution à nos problèmes", a pour sa part annoncé Ibrahim Ag Bahanga.
Ce dénouement, en attendant la suite des événements, est intervenu à la veille de la fête de l’indépendance du Mali. Pour la symbolique, le message du président Bouteflika à son homologue malien est plus que millimétré. «Je voudrais, à cette occasion, vous assurer de mon plein appui à l’action que vous n’avez cessé de mener pour consolider la paix et le développement de votre pays", ajoute le chef de l’Etat. Il me plait également de vous redire mon intérêt pour le renforcement et la diversification des relations d’amitié, de fraternité, de solidarité et de coopération entre nos deux pays…», écrit le président algérien.
Une tâche de Sisyphe
Cet effort de consolidation de la stabilité du Mali n’est effectivement pas une tâche facile. Il risque, au vu de la situation, d’exiger encore à l’avenir toute l’énergie de la diplomatie algérienne pour les années à venir. Pour le comprendre, il faut tout simplement savoir les conditions de sous-développement que vit la population locale, celle du nord plus que toute autre en raison de la sévérité du climat saharien et des vagues de sécheresses et de famines qui frappent la région depuis les années 1970, provoquant une paupérisation quasiment endémique.
On compte à peu près 300.000 touaregs au nord du Mali. Tout comme les touaregs nomades des autres pays, ils ont refusé toute scolarisation durant la colonisation, ce qui a affaibli leur position au moment des indépendances. Les famines de 1973-74 et de 1984-85 voient la disparition de leurs troupeaux et des milliers de jeunes touareg ont alors migré vers les villes, l’Algérie ou la Libye, où Mouammar Kadhafi en incorpora plusieurs milliers dans sa fameuse et très méconnue «Légion islamique». Mais une décennie plus tard, face à la dégradation de l’économie libyenne et la chute des cours du pétrole, les jeunes exilés ont été contraints au retour parfois forcé dans leurs pays avant de grossir rapidement les rangs des mouvements réclamant autonomie et développement contre les pouvoirs centraux successifs. On se souvient encore de la guérilla des sables au début des années 1990 qui a fait plusieurs centaines de victimes et des milliers de déplacés vers le Burkina Faso et l’Algérie, avant que le pacte national d’avril 1992 aboutisse à la paix et à la reconnaissance de la spécificité du Nord du Mali. Accord qui généré une décentralisation des régions touaregs assortie d’une large autonomie de gestion, ainsi que le désarmement des combattants touareg et leur intégration au sein de l’armée, les corps para-militaires et la fonction publique. Des dispositions pas toujours appliquées à la lettre en raisons de pressions tribales sur le pouvoir central. C’est visiblement encore le cas aujourd’hui.
La solution, le développement
Le versant économique du problème malien se situe dans la situation économique du pays. Avec une dette extérieure considérée faussement comme faible, parce que ne dépassant pas les 2,8 milliards de dollars US (avec un revenu par habitant de 380 dollars en 2006), le Mali est dans l’impossibilité de rembourser sa dette. Aux termes d’un certain comité franco-malien pour l’annulation de celle-ci, il faudra quatre générations pour rembourser la dette en 106 ans ! Entre temps, les plans d’ajustement structurel n’ont produit que des catastrophes : 10 000 pertes d’emplois avec la privatisation et la liquidation des sociétés et entreprises d’Etat durant les années 1990. De même, la promesse d’allégement de 40 % du stock de la dette extérieure par la France et la décision de réduction de 70 millions de dollars consentis par la Club de Paris en mars 2003 et l’annulation de 37 milliards de dollars de dette en mars 2004 du Mali à l’égard du Japon dans le cadre de l’initiative PPTE n’ont pas permis d’apaiser les souffrances des populations dues au fardeau de la dette, selon ce même comité. Ce dernier souligne qu’après 20 ans d’ajustement structurel, il n’existe pour le Mali aucun espoir de sortie du carcan de la dette. Dans l’hypothèse la plus optimiste, le Mali ne pourrait payer la totalité de ses dettes qu’au bout de 45 ans, dans l’hypothèse pessimiste surtout avec la détérioration de la situation économique du pays, ce délai serait de 106 ans, soit sur quatre générations. On voit bien que la marge de manœuvre du pouvoir central pour calmer les tensions internes est des plus faibles.
De l’or, mais pas pour tout le monde
En résumé, la gestion par Bamako de ces tensions contradictoires, avec peu d’atout certes, débouche le plus souvent sur un équilibre précaire qui doit constamment faire au bénéfice d’une partie et au détriment d’une autre. Pour éviter le pire, les autorités n’ont aucun autre choix, semble-t-il, que de changer de temps à autres de mécontent. Cette gestion par réaction risque cependant d’être de courte vue. Elle est parfois porteuse de danger, comme on le voit dans le cas de l’exploitation des ressources naturelles qui devaient être en principe une formidable opportunité pour ce pays. Depuis 2003, le Mali est le troisième producteur africain d’or et espère passer au 3eme rang d’exportateur mondial du métal jaune. Cette perspective, après les fiasco des promesses de l’avènement de salutaires provinces pétrolifères, suscite plus de mécontentements que d’accalmie, notamment de la part des populations pauvres du nord. Qu’en est-il en fait ? Voyons ce que dit la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme sur la question. "L’exploitation industrielle des mines d’or a suscité des espoirs énormes pour le développement économique", mais elle "n’a pas permis au Mali de sortir de la pauvreté". Elle y rappelle que le pays demeure au 175e rang (sur 177) sur l’échelle de développement humain du Programme de l’Onu pour le développement (PNUD). L’augmentation des ressources de l’Etat aurait dû avoir une influence positive sur les dépenses du gouvernement en matière d’éducation, de santé, ou d’infrastructures, selon cette même source. Mais les codes miniers mis en place avec le soutien de la Banque mondiale encouragent l’investissement étranger en offrant aux entreprises de vastes exemptions fiscales pendant cinq ans, privant ainsi l’Etat des ressources qu’il pourrait tirer de cette activité économique. Mais cela, c’est bien évidemment une affaire purement malienne.
Nabil Benali, Les débats 26/07/2007
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