En arrivant à Montréal, Samir Chaâbna, le journaliste-producteur de l’émission Sans Visa, diffusée à la télévision d’Etat en Algérie, ne se doutait pas qu’il allait donner le coup d’envoi à une polémique au sein de la communauté algérienne au Canada.
Montréal (Canada). De notre correspondant
La nouvelle de son arrivée a circulé comme une traînée de poudre dans la métropole québécoise avec moult spéculations sur le choix des « invités » qui auraient droit aux quart d’heure de célébrité télévisuelle, selon l’indémodable formule du pionnier du pop art, Andy Warhol. Pour le « quart d’heure », il faudra mettre la main au portefeuille. Le journaliste a, en effet, annoncé, par le biais du site de la radio internet salamontreal.com de l’association le Centre culturel algérien (CCA), l’organisation, en collaboration avec cette dernière, d’une soirée artistique payante destinée à la diffusion en Algérie durant le Ramadhan. Au menu de la soirée, un panel d’artistes algériens vivant au Canada et un rituel de mariage marocain qui a suscité une série de réactions critiques sur le site de la radio du CCA de la part d’Algériens qui, sans verser dans l’antimarocanisme, ne comprennent pas pourquoi on n’a pas choisi un des rituels de leur vaste bled. Les responsables de la radio, pour prendre leurs distances, ont posté sur le forum une explication insistant sur le caractère maghrébin de la soirée. Ahmed Mahidjiba, le président du CCA, souligne que le contenu de l’émission relève de son producteur, Samir Chaâbna, et que son association s’est occupée uniquement de la logistique et du contact des artistes. Naïma Mimoune, présidente de l’association le Cercle des familles algériennes (CFA), ne cache pas son étonnement. « L’Algérie n’a pas encore déclaré une faillite culturelle à ce que je sache. Je n’ai jamais vu la chaîne marocaine 2M venir filmer les Algériens ici », affirme-t-elle en faisant remarquer que le CFA aurait pu, s’il avait été approché, contacter plusieurs familles algériennes prêtes à promouvoir la culture algérienne. Même réaction à l’Union des artistes algéro-canadiens (UDAAC). Sa présidente, Zineb Sahli, qui dit ne pas avoir été contactée, s’interroge sur le choix du rituel du mariage marocain. « Avons-nous montré tout ce que recèle notre culture pour passer aux autres ? », s’interroge-t-elle. Sentiment partagé par Tassadit Ould Hamouda, présidente de l’association culturelle berbère Tafsut : « Si au moins on avait passé auparavant un mariage algérien, je comprendrais. » Samir Chaâbna, de son côté, essaie de tempérer la polémique qui enfle, en expliquant que « l’objet de l’émission n’est pas le rituel du mariage marocain. Nous avons voulu faire une ouverture. Vous allez voir les vtr (l’enregistrement vidéo, ndlr), le rituel n’est qu’une infime partie de l’émission. Nous avons déjà enregistré une émission au Canada il y a quelques années. Elle était axée sur les universitaires. Cette fois, nous avons choisi l’angle social qui se prête à une diffusion au Ramadhan ». Le député de la zone des Amériques, Mohamed Gahche, contacté dans la banlieue de Washington où il réside, ne semblait pas être au courant de la polémique. Il trouve la chose positive « si ça permet de promouvoir la culture maghrébine ». Farid Salem, président de l’association Solidarité Québec-Algérie (SOQAL), affirme que « les Algériens d’Algérie n’ont pas besoin de voir le chaâbi, par exemple. Ils ont besoin de connaître les composantes de la culture au Québec et au Canada. Il aurait été plus sage que les responsables de l’émission fassent appel à toutes les associations. Il en existe environ 23 dont 10 sont en activité. Ça aurait enrichi l’émission ». Quant à l’animateur radio Aïssa, Lamri, il affirme être contre ce concept d’émission qui « dresse un tableau féerique de la réalité des Algériens du Canada ». Certains soupçonnent l’animateur de l’émission d’être téléguidé par le consulat général d’Algérie à Montréal, ce que ce dernier nie. « Samir Chaâbna nous a contacté, nous lui avons communiqué la liste de toutes les associations de la communauté. Nous ne sommes pas responsables ni de près ni de loin de ses activités. C’est un journaliste et il est libre de contacter qui il veut », affirme le consul général d’Algérie, Abdelaziz Sebaâ.
10 dollars la place
Pour l’observateur, il est curieux que la boîte de production Evasion T — dont El Watan détient une copie des statuts — que dirige Samir Chaâbna à Marseille fasse payer 10 dollars en droit d’entrée aux participants. L’émission sera vendue, après, à la télévision d’Etat en Algérie. Le journaliste-producteur affirme qu’il était contre l’idée de faire payer, mais le CCA, qui a pris en charge la logistique, a insisté pour amortir les coûts. Information confirmée auprès du président du CCA, Ahmed Mahidjiba. « Ces 10 dollars par place nous permettront à peine de récupérer les frais de location de la salle et la sonorisation », dit-il. Rachid Boudjarane, le président du Regroupement des Algériens du Canada (RAC), rappelle qu’il y a un peu plus de deux années, l’émission Sans visa n’a pas pu enregistrer au Canada par manque de sponsors. A l’époque, lors d’une réunion avec les associations, les présents avaient signifié au producteur que du moment qu’il facture ses émissions à la télévision algérienne il devait payer toutes les prestations qu’il demandait. En 2007, Samir Chaâbna a appris la leçon. Si aujourd’hui il se trouve au cœur de cette polémique, le CCA aussi. Encore que pour ce dernier, l’essentiel, selon l’adage, est que l’on parle de lui, en bien ou en mal. Il reste que cette controverse est à mille lieues des difficultés d’intégration sociale et professionnelle des Algériens. L’un d’eux s’est suicidé, la semaine dernière, en se jetant contre une rame de métro. Il avait 38 ans.
Samir Ben Djafar EL WATAN 22/08/2007.
Montréal (Canada). De notre correspondant
La nouvelle de son arrivée a circulé comme une traînée de poudre dans la métropole québécoise avec moult spéculations sur le choix des « invités » qui auraient droit aux quart d’heure de célébrité télévisuelle, selon l’indémodable formule du pionnier du pop art, Andy Warhol. Pour le « quart d’heure », il faudra mettre la main au portefeuille. Le journaliste a, en effet, annoncé, par le biais du site de la radio internet salamontreal.com de l’association le Centre culturel algérien (CCA), l’organisation, en collaboration avec cette dernière, d’une soirée artistique payante destinée à la diffusion en Algérie durant le Ramadhan. Au menu de la soirée, un panel d’artistes algériens vivant au Canada et un rituel de mariage marocain qui a suscité une série de réactions critiques sur le site de la radio du CCA de la part d’Algériens qui, sans verser dans l’antimarocanisme, ne comprennent pas pourquoi on n’a pas choisi un des rituels de leur vaste bled. Les responsables de la radio, pour prendre leurs distances, ont posté sur le forum une explication insistant sur le caractère maghrébin de la soirée. Ahmed Mahidjiba, le président du CCA, souligne que le contenu de l’émission relève de son producteur, Samir Chaâbna, et que son association s’est occupée uniquement de la logistique et du contact des artistes. Naïma Mimoune, présidente de l’association le Cercle des familles algériennes (CFA), ne cache pas son étonnement. « L’Algérie n’a pas encore déclaré une faillite culturelle à ce que je sache. Je n’ai jamais vu la chaîne marocaine 2M venir filmer les Algériens ici », affirme-t-elle en faisant remarquer que le CFA aurait pu, s’il avait été approché, contacter plusieurs familles algériennes prêtes à promouvoir la culture algérienne. Même réaction à l’Union des artistes algéro-canadiens (UDAAC). Sa présidente, Zineb Sahli, qui dit ne pas avoir été contactée, s’interroge sur le choix du rituel du mariage marocain. « Avons-nous montré tout ce que recèle notre culture pour passer aux autres ? », s’interroge-t-elle. Sentiment partagé par Tassadit Ould Hamouda, présidente de l’association culturelle berbère Tafsut : « Si au moins on avait passé auparavant un mariage algérien, je comprendrais. » Samir Chaâbna, de son côté, essaie de tempérer la polémique qui enfle, en expliquant que « l’objet de l’émission n’est pas le rituel du mariage marocain. Nous avons voulu faire une ouverture. Vous allez voir les vtr (l’enregistrement vidéo, ndlr), le rituel n’est qu’une infime partie de l’émission. Nous avons déjà enregistré une émission au Canada il y a quelques années. Elle était axée sur les universitaires. Cette fois, nous avons choisi l’angle social qui se prête à une diffusion au Ramadhan ». Le député de la zone des Amériques, Mohamed Gahche, contacté dans la banlieue de Washington où il réside, ne semblait pas être au courant de la polémique. Il trouve la chose positive « si ça permet de promouvoir la culture maghrébine ». Farid Salem, président de l’association Solidarité Québec-Algérie (SOQAL), affirme que « les Algériens d’Algérie n’ont pas besoin de voir le chaâbi, par exemple. Ils ont besoin de connaître les composantes de la culture au Québec et au Canada. Il aurait été plus sage que les responsables de l’émission fassent appel à toutes les associations. Il en existe environ 23 dont 10 sont en activité. Ça aurait enrichi l’émission ». Quant à l’animateur radio Aïssa, Lamri, il affirme être contre ce concept d’émission qui « dresse un tableau féerique de la réalité des Algériens du Canada ». Certains soupçonnent l’animateur de l’émission d’être téléguidé par le consulat général d’Algérie à Montréal, ce que ce dernier nie. « Samir Chaâbna nous a contacté, nous lui avons communiqué la liste de toutes les associations de la communauté. Nous ne sommes pas responsables ni de près ni de loin de ses activités. C’est un journaliste et il est libre de contacter qui il veut », affirme le consul général d’Algérie, Abdelaziz Sebaâ.
10 dollars la place
Pour l’observateur, il est curieux que la boîte de production Evasion T — dont El Watan détient une copie des statuts — que dirige Samir Chaâbna à Marseille fasse payer 10 dollars en droit d’entrée aux participants. L’émission sera vendue, après, à la télévision d’Etat en Algérie. Le journaliste-producteur affirme qu’il était contre l’idée de faire payer, mais le CCA, qui a pris en charge la logistique, a insisté pour amortir les coûts. Information confirmée auprès du président du CCA, Ahmed Mahidjiba. « Ces 10 dollars par place nous permettront à peine de récupérer les frais de location de la salle et la sonorisation », dit-il. Rachid Boudjarane, le président du Regroupement des Algériens du Canada (RAC), rappelle qu’il y a un peu plus de deux années, l’émission Sans visa n’a pas pu enregistrer au Canada par manque de sponsors. A l’époque, lors d’une réunion avec les associations, les présents avaient signifié au producteur que du moment qu’il facture ses émissions à la télévision algérienne il devait payer toutes les prestations qu’il demandait. En 2007, Samir Chaâbna a appris la leçon. Si aujourd’hui il se trouve au cœur de cette polémique, le CCA aussi. Encore que pour ce dernier, l’essentiel, selon l’adage, est que l’on parle de lui, en bien ou en mal. Il reste que cette controverse est à mille lieues des difficultés d’intégration sociale et professionnelle des Algériens. L’un d’eux s’est suicidé, la semaine dernière, en se jetant contre une rame de métro. Il avait 38 ans.
Samir Ben Djafar EL WATAN 22/08/2007.
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